Quelques idées et outils concrets pour l’inner world : accès, exploration, compréhension, modification et création, etc. Il s’agit surtout d’une base d’inspirations diverses pour se forger ses propres méthodes.

Avertissements de contenu:

  • Mentions de trauma, non spécifique
  • Mentions brèves des professionnels de la santé mentale
  • Effets de la dissociation
  • Doutes et de légitimité
  • Mentions brèves de nourriture

Transcription écrite:

Hello.

Cette présentation a pour but de vous proposer quelques idées et outils concrets pour travailler sur, ou plutôt avec, votre inner world.

Notamment, il sera question d’en faciliter l’accès, ou de le créer, de l’explorer et de le comprendre, d’en découvrir le potentiel, de mieux se l’approprier, d’y créer ou d’y modifier des choses. Le tout avec des exemples, des rappels de la grande (et précieuse) variabilité des expériences de chaque système, et surtout, dans l’intention de donner des pistes pour se forger sa propre méthode plutôt que de prescrire des recettes toutes faites.

Ce qui est réuni ici, c’est avant tout un amalgame de choses que j’ai pu voir ou lire ou entendre sur le sujet des inner worlds, au fil du temps. Ça provient essentiellement des expériences variées de beaucoup de systèmes, y compris du mien. Je n’en réclame donc pas du tout le crédit, bien sûr – et on rappelle aussi que tout ça n’est absolument pas exhaustif. Même avec la meilleure volonté, on ne fait ici qu’effleurer ce très vaste sujet. Les témoignages, les écrits, podcasts et vidéos sur les inner worlds sont légion, et c’est tant mieux. Nous n’avons pas tout consulté, je ne sais même pas si ça serait possible. Nous vous encourageons vivement à les explorer vous-mêmes, c’est assez passionnant. Et enfin, encore une fois, prenez ce contenu pour ce qu’il est, avec un regard critique : il n’y a là ni vérités absolues ni méthodes certifiées, juste une petite collection de perspectives intéressantes, d’exemples et d’idées, des matériaux pour nourrir votre réflexion.

On espère que vous y trouverez quelques éléments bien utiles.

Appellations pour le monde intérieur

Il y a beaucoup de façons de parler de ces espaces mentaux, et beaucoup de termes pour les désigner. inner world, ou juste “inner” monde intérieur, espace intérieur, univers mental headspace Wonderland ou Pays des Merveilles palais mental (même si ce terme peut désigner différentes choses) certains disent aussi paracosme (mais ce terme désigne souvent les univers mentaux du Trouble de la Rêverie Compulsive, or si certains considèrent que c’est un peu équivalent, d’autres trouvent les expériences très différentes)

Ici, on utilisera surtout “inner world”, ou le raccourci “inner”, juste parce que c’est simple, assez court et plutôt connu. Mais bien sûr, utilisez pour vous-mêmes les termes qui vous conviennent.

De même, il existe une multitude de mots pour désigner les membres d’un système, tels que alters, headmates, parts dissociées, colocatêtes (que j’aime beaucoup), etc. Chaque système a souvent ses préférences bien légitimes. Ici, on emploiera surtout le terme “alters”, simplement parce que c’est court et largement connu. Mais on tient à préciser à nouveau qu’on vous encourage à utiliser pour vous-mêmes les termes qui vous vont le mieux.

Retour sur quelques notions et idées importantes

Vous avez probablement déjà vu et revu ces points, mais il me semble utile de bien les avoir à l’esprit avant de rentrer dans le vif du sujet.

Toutes les personnes multiples n’ont pas un inner world. Tous les gens ayant un inner world ne sont pas forcément multiples, ni nécessairement traumatisés d’ailleurs, ni obligatoirement neurodivergents. (Du coup, si vous écoutez ceci mais que vous n’êtes rien de tout ça, juste intéressé, bonne nouvelle : ca peut vous servir aussi pour vous-même) On peut avoir un inner sans le savoir (et du coup on peut le découvrir) (Et donc, vous qui écoutez, si vous pensez ne pas avoir d’inner world, qui sait, vous pourriez être surpris un jour ou l’autre. Ça a été notre cas.) Un inner peut être créé volontairement (en partie ou entièrement), par quelqu’un qui souhaiterait en avoir un par exemple. (Ainsi, si vous n’avez pas d’inner world, et si pour une raison ou une autre vous en voudriez un, a priori ça n’est pas impossible.)

Un inner world n’est pas seulement un lieu imaginaire persistant dans votre esprit. Il peut avoir beaucoup de fonctions et d’utilités, différentes pour chaque individu ou système, et on peut d’ailleurs découvrir à son inner des fonctions (actives ou passives) qu’on ne soupçonnait pas.

Le temps ne s’écoule pas forcément “normalement” dans l’inner world – il peut être plus lent, plus rapide, figé, en boucle, varier selon les lieux…

Un inner world peut être immense (jusqu’à inclure des galaxies) ou moyen, ou tout petit. Pour certains on s’y déplace comme dans le monde physique, de façon continue, avec peut-être des moyens de locomotion (ou même des systèmes de téléportation ou autres) pour le faire plus facilement ou plus rapidement. Mais pour d’autres, le déplacement d’un lieu à l’autre n’est pas vraiment une action à effectuer, on souhaite simplement être dans un lieu et on s’y retrouve, sans notion de déplacement.

D’ailleurs, il n’y a pas forcément de continuité topologique entre les différents lieux: un inner peut être fragmenté, sans connection concrète entre ses parties. (Certains voient ça comme plusieurs inner worlds) Et ces fragments peuvent également être étanches entre eux, sans possibilité de passage.

Certaines parties de l’inner world, voire l’inner world entier, peuvent être basées sur des souvenirs, sur des lieux réels ou fictifs. La ressemblance peut être lointaine, partielle, ou totale.

Un inner world n’est pas forcément un petit paradis, ni même un endroit agréable ou rassurant. Certaines parties, voire l’entièreté, peuvent être plutôt neutres voire même désagréables ou inquiétantes. Le système JETWØWS, dans une de ses vidéos en français, décrit un très bon exemple d’inner world qui n’est pas entièrement rassurant ou joyeux.

L’accès à l’inner world peut varier d’un alter à l’autre (et d’un système à l’autre). Il y a notamment des variations dans la capacité d’accès (ou la facilité d’accès). Mais il y a aussi des variations en termes d’expérience, de façon d’y accéder et de vivre cet accès…

Certains alters peuvent passer toute leur vie dans l’inner, sans jamais venir au front, tandis que d’autres alters à l’inverse peuvent ne pas avoir du tout accès à l’inner, et sont soit au front soit inconscients. Certains n’y ont accès qu’en rêve, pendant le sommeil. Certaines parties de l’inner peuvent être accessibles à un alter et pas à un autre. Certains ne peuvent pas s’y rendre, mais peuvent seulement le voir, ou l’entendre (ou le percevoir via d’autres sens ou d’autres manières – on va revenir là dessus). Certains peuvent le percevoir “de loin”, sans vraiment avoir la sensation d’y être entièrement, mais plutôt avec un sentiment de distance. Par exemple, certains décrivent ce ressenti comme similaire à un jeu vidéo en vue de dessus. Certains peuvent s’y déplacer, mais pas interagir, un peu comme des fantômes. Certains peuvent interagir, comme dans le monde physique, ni plus ni moins. Certains y ont des capacités supplémentaires, des “super-pouvoirs” en quelque sorte. Certains peuvent y créer ou y modifier des choses (parfois un peu, parfois beaucoup, avec plus ou moins de facilité). Dans les témoignages de nombreux systèmes, c’est souvent l’hôte qui a le plus de difficultés à accéder à l’inner, voir qui n’y arrive pas du tout (étant le plus souvent au front pour interagir dans le monde physique). Mais ça n’est pas nécessairement une fatalité. Les capacités de chacun (d’accès, de création, ou autres) peuvent évoluer, et on peut y travailler.

Un inner n’est pas figé (en tout cas pas forcément). Il peut évoluer, que ça soit spontanément ou par des modifications volontaires, ou suite à des événements ou aux actions des alters, etc. Ces changements peuvent aller du détail infime à la métamorphose la plus totale, jusqu’à la structure géologique, la planète, la galaxie… Chez certains, les changements sont très fréquents voire même constants, tandis que chez d’autres ils sont plutôt rares. Ça peut aussi varier plus ou moins selon les parties de l’inner world. Par exemple, un inner par ailleurs plutôt stable pourrait avoir, mettons, un jardin qui change au fil des périodes, des saisons, ou de l’état émotionnel du système ou d’un alter. Ou bien une maison pourrait avoir tendance à voir ses pièces apparaître ou disparaître, où son style d’ameublement et de déco varier, etc. Ces changements, volontaires ou non, ne sont pas toujours vécus pareil par tous. Quand on décide de faire un changement, surtout s’il est important, il est bon de s’assurer que c’est ok pour les autres membres du système. Si besoin, on pourra s’adapter pour aider certains alters à le vivre bien. (Par exemple peut-être que certains voudront s’installer plus à l’écart pendant le changement, ou souhaiteront emporter certains éléments pour les conserver, ou demanderont à ce que le changement soit fait différemment, etc.) Les changements spontanés, ceux qui se produisent d’eux mêmes, peuvent être particulièrement stressants. Surtout quand ils sont soudains ou très importants, ou liés à des turbulences émotionnelles, ou un mélange de tout ça. Arriver à comprendre ces changements, leur origine, leur signification, peut aider à mieux les vivre et à mieux les gérer – que l’on décide de les embrasser pleinement, ou au contraire de reconstruire quelque chose de proche de ce qu’il y avait avant, ou bien un intermédiaire.

La vue n’est pas la seule façon de faire l’expérience de l’inner world (même si c’est à la vue que beaucoup de gens pensent en premier). D’autres sens peuvent s’y ajouter, ou bien s’y substituer : certains ne voient rien dans leur inner. On peut en faire l’expérience par l’ouïe, ou le toucher, ou l’odorat, ou un mélange de tout ça. Certaines personnes ont même des sens “supplémentaires” dans leur inner world. D’ailleurs, même lorsque la vue est bien présente, elle n’est pas forcément le sens prédominant dans votre expérience. Pour certains, c’est avant tout des sensations tactiles, ou bien surtout des sons, avec juste quelques visuels un peu vagues, par exemple. Ça peut bien sûr varier d’alter en alter. Enfin, pour certains systèmes, l’expérience de l’inner se fait de façon abstraite, en concepts plutôt qu’à travers des sens. C’est très différent mais tout aussi intéressant et utile, et on en reparlera.

Enfin, même si c’est d’inner worlds qu’il sera question dans cette présentation, il n’est pas obligatoire ni nécessaire d’avoir un inner world. Je veux dire par là que, non seulement il existe des systèmes qui n’ont pas d’inner – mais aussi et surtout, tout le monde n’a pas forcément besoin ni même envie d’en avoir un. On peut très bien vivre sans. On peut aussi en avoir un et ne pas particulièrement l’aimer ni s’y intéresser, d’ailleurs.

Même si beaucoup de systèmes parlent d’inner worlds et partagent avec enthousiasme leurs expériences à ce sujet, rappelons que ça n’est absolument pas une part nécessaire de la vie d’un système, c’est juste une expérience courante. Vous n’êtes ni inférieurs, ni désavantagés, ni moins légitimes si vous n’en avez pas. Et si vous n’avez pas particulièrement envie d’en avoir un, inutile de vous fatiguer à en créer un juste pour faire comme les autres – appréciez plutôt votre originalité. Vraiment, votre temps et votre énergie seront bien mieux investis dans quelque chose qui vous correspond et vous épanouit !

Découvrir qu’on a un inner world

On a vu qu’il était possible d’avoir un inner world sans le savoir (le système entier peut l’ignorer par exemple, ou bien seulement certains alters). Voilà quelques exemples de façons dont la découverte peut se produire (ça n’est pas une liste exhaustive bien sûr).

On peut simplement “tomber dessus” sans raison claire, s’y retrouver comme ça, et avoir directement conscience que c’est un inner world. Ou bien, on peut ne pas réaliser de suite qu’on est dans notre inner. On peut s’y retrouver en rêve. On peut ainsi y avoir été souvent pendant son sommeil, sans réaliser qu’il s’agissait de notre inner world. Les lieux récurrents dans les rêves, surtout si on y rencontre d’autres alters, ça peut être ça. Personnellement, c’est ce qui m’est arrivé. Ne pas hésiter à demander aux autres membres du système, en cas de doute. On peut aussi prendre conscience de son inner en même temps que de sa multiplicité. Un autre alter peut nous en révéler l’existence. On peut le percevoir soudainement, alors qu’on n’y avait aucun accès avant. On peut aussi se mettre à le percevoir à travers les “yeux” (ou les sens, ou les émotions, bref le vécu) d’un autre alter. Par exemple, parce que cet alter s’y trouve à un moment où on communique avec lui. Etc.

Accéder à son inner world

Avoir un inner world et en être conscient ne signifie pas forcément qu’on y ait accès. Pour certains systèmes ou alters, l’accès est évident et facile, là où d’autres ont plus de difficultés, voire n’y ont pas accès du tout.

Avant tout, précisons que ça n’est pas forcément un problème. Accéder à son inner world n’est pas un but en soi, ni une garantie d’aller bien. Y aller peut même au contraire créer des difficultés pour certains, au moins dans un premier temps. Ce n’est même pas forcément une expérience plaisante. Il y a des alters ayant accès à l’inner world qui aimeraient bien s’en passer !

Même lorsqu’on a bel et bien un inner world, on peut très bien faire sa vie sans jamais y accéder, et certains alters sont très heureux comme ça.

Ça peut être une préférence personnelle, ou une partie de leur fonction (ou au moins quelque chose qui la facilite). On voit souvent par exemple des alters hôtes qui ont plus de difficultés à accéder à l’inner, et qui estiment que c’est lié à leur fonction consistant à passer plus de temps au front. Ça peut aussi être un moyen de rester à l’écart de certaines choses désagréables, ou il peut y avoir mille autres raisons.

Pour certains systèmes, très peu d’alters peuvent avoir accès à un inner world, voire même un seul alter. Peut-être que ces alters avec accès sont simplement les seuls à en avoir l’utilité, les seuls à avoir quoi que ce soit à y faire. Bref, il est important de se rappeler que l’accès à l’inner world n’est ni une obligation, ni un devoir moral, ni une nécessité, ni même forcément un avantage.

Mais parfois, pour diverses raisons, on aimerait essayer d’y avoir accès tout de même, ou de rendre cet accès plus facile ou plus confortable. Ça peut être par plaisir et curiosité, tout simplement. Ça peut aussi être dans un but plus utilitaire. Par exemple, Peut-être qu’on a perdu l’accès qu’on avait avant, suite à une période de crise, et qu’on souhaiterait rétablir cet accès une fois la crise passée. Peut-être qu’on souhaite accéder à l’inner world pour faciliter la communication avec d’autres alters. Peut-être qu’on y voit un outil de travail sur soi, sur sa psyché et sur son système, etc.

Comme souvent, il n’y a pas de recette unique qui fonctionne pour tout le monde, il vous faudra expérimenter. Mais on a noté quelques pistes, des conseils, des exemples de ce qui a pu fonctionner pour d’autres. Vous pouvez les essayer si vous voulez, les adapter, ils peuvent vous donner d’autres idées, ouvrir des possibilités. N’hésitez d’ailleurs pas à partager les vôtres.

Pour commencer, prenez soin de vous. La sécurité et le bien-être de votre système passent avant tout.

Consultez vous entre membres du système, avant de tenter des choses, pour s’assurer que tout le monde soit d’accord.

Si vous essayez quelque chose de nouveau et que vous vous sentez bizarre ou mal à l’aise, ne forcez pas! Arrêtez vous.

Vous pourrez toujours réessayer plus tard dans de meilleures conditions, ou tenter autre chose. Rappelez-vous aussi que ça peut être le signe qu’il y a une bonne raison pour laquelle vous n’avez pas eu accès à l’inner jusque là, et que vous n’y êtes peut-être pas prêt actuellement (il peut y avoir des soucis à régler avant). Considérez cette possibilité en cas de mauvais feeling.

Aussi, de préférence, ne vous lancez pas dans des explorations lors d’une mauvaise période, en phase de crise, dans un moment d’angoisse ou de grande fatigue – choisissez un bon jour. Mieux encore, assurez-vous d’être suffisamment hydratés et nourris avant de vous lancer.

Maintenant, quelques exemples et pistes, donc. Il y déjà la question de l’installation et des bonnes conditions

Si possible, s’installer dans un endroit au calme, où on ne sera pas interrompu ni distrait. (Beaucoup de systèmes utilisent leur lit, avant ou après le sommeil, car ça remplit souvent ces conditions.)

Beaucoup vont alors se mettre dans un état “méditatif” (certains parlent d’auto hypnose, mais d’autres n’aiment pas trop ce terme) : On peut marcher en rond (comme le font souvent les personnes sujettes au Trouble de la Rêverie Compulsive), ou bien s’asseoir, ou s’allonger. Peut-être garder les yeux fermés, voire protégés de la lumière avec un tissu (ou bien juste choisir une pièce pas trop éclairée). Certaines personnes accèdent à leur inner world en restant éveillées. Pour d’autres, s’endormir pendant qu’on se concentre sur l’inner peut permettre de s’y rendre en rêve, pendant le sommeil (ou le demi-sommeil), et ça leur convient. Si vous avez choisi de rester éveillé, et si une position allongée ou trop peu de lumière vous font dormir, alors un mouvement répétitif (comme la marche, un balancement, etc.) ou bien une position assise plutôt que couchée peuvent mieux vous convenir.

Certains ont besoin de silence et d’éviter toute distraction, d’autres sont aidés par certains sons, qu’on peut écouter avec un casque ou des écouteurs: sons d’ambiance particuliers (nature, vaisseau spatial, ambiance urbaine, nocturne… il y en a des milliers sur internet), ou certaines musiques, ou certains rythmes simples, ou un fond de “bruit blanc”…

Certains sont aidés par des parfums, des textures (un objet à tenir, etc)

Quelques techniques et approches

On peut appeler un (ou plusieurs) autre(s) alter(s) au front, certaines personnes trouvent que ça donne plus de facilité à se détacher du front soi-même.

On peut se faire accompagner ou guider verbalement en co-conscience par un alter qui a plus de facilité à aller dans l’inner world, et avec lequel on a une bonne communication.

Parfois, certains alters peuvent jouer un rôle de “gatekeeper” et limiter l’accès à l’inner world. On peut donc chercher à savoir si c’est le cas dans son propre système, et si oui, s’adresser à cet alter.

Un obstacle psychologique peut aussi gêner l’accès à l’inner, vous pouvez essayer de savoir si c’est votre cas. Quel sentiment vous évoque l’inner, ce que les autres vous en disent, ou l’idée de s’y rendre? Percevez-vous une partie de l’inner? Si oui, à quoi ressemble-t-elle, que vous évoque-t-elle? Si elle est inquiétante, un autre alter peut-il identifier pour vous de quelle partie de l’inner il s’agit, et à quoi elle est liée? etc. Si vous identifiez un obstacle psychologique, comprendre cet obstacle puis y travailler pour le résoudre pourra contribuer à vous ouvrir l’accès.

Certaines personnes utilisent les rêves lucides pour accéder à l’inner world. Mais attention ça n’est pas pour tout le monde : pour certaines personnes, le rêve lucide retire justement des barrières protectrices, occasionnant des rencontres et expériences négatives auxquelles elles ne sont pas prêtes. Il y a une vidéo en anglais du système Ra Ra Rabbit qui traite de ce sujet.

Certaines personnes accèdent à leur inner world en écrivant, façon écriture automatique: ça peut paraître contre-intuitif, mais cette activité les aide en fait à se mettre dans un état second et à s’immerger dans leur inner. Souvent ces personnes vont avoir une préférence nette pour un support d’écriture : plutôt papier, ou plutôt digital. Typiquement, elles vont par exemple décrire leur intention, puis leur expérience : “Je me rends dans l’inner pour parler à Untel au sujet de tel souvenir auquel je n’ai pas accès. Je me trouve dans la salle de front et je me tourne, je me dirige vers la porte. Je franchis le seuil et de là, je vois l’arbre où vit Untel. Il y a du linge qui sèche et une odeur de pomme. Je marche le long du chemin de gravier qui crisse.” etc. L’écriture ne continue pas forcément tout du long de la visite dans l’inner, ça peut souvent être juste une voie d’accès. Peut-être qu’on peut aussi tenter des variations sur cette méthode, par exemple en faisant cette narration à voix haute, si on est seul, ou bien dans sa tête.

Ce que j’ai vu suggéré le plus couramment, cependant, c’est simplement, une fois installé comme on le souhaite, de se concentrer et de se projeter.

Par exemple, On peut partir d’une idée d’un lieu simple et stable de l’inner world, quelque chose que l’on connaît bien si on y a déjà été, ou quelque chose dont les autres alters nous ont déjà parlé, qu’ils ont déjà décrit en détail. Ou bien la salle de front, ou tout point par lequel la plupart des autres passent. Voyez ce qui fait sens pour vous. L’idée, c’est d’avoir un point de départ suffisamment précis et délimité pour pouvoir s’y concentrer : Ça peut être vraiment petit, un coin d’une pièce, ou même juste une table ou un fauteuil. On va alors essayer de se le représenter le plus pleinement possible, et de se projeter à cet endroit, de s’y sentir présent. Pour ça, par exemple, on peut utiliser une grande variété de sens (pas seulement la vue mais aussi les sons, les parfums dans l’air, le toucher, etc. – en fonction de ce qui vous est accessible et de vos préférences et facilités, bien sûr). Si vous n’utilisez pas vos sens dans l’inner, mais que vous fonctionnez de façon purement abstraite, en concepts et en notions, alors vous pouvez plutôt vous appliquer à garder bien présent à l’esprit le concept de l’objet ou du lieu simple en question. Il s’agit de se concentrer sur ce concept le plus complètement possible, voire de l’explorer.

Pour un objet par exemple, vous pourriez considérer: Son type (meuble, outil, plante, vêtement, contenant… à vous de déterminer les catégories qui fonctionnent pour vous) Sa taille (ou son ordre de grandeur) Sa position (par terre, au mur, sur moi, devant moi…) A quoi ça sert (ex : à s’asseoir, à écrire, à se nourrir…) Qu’est-ce que ça fait (si ça fait quelque chose) (ex : ça oscille, ça coule, ça tourne…) etc. A vous de déterminer, peut-être à l’avance, ce qui est pertinent pour vous dans votre manière de penser.

Donc, pour en revenir au processus, que ça soit à travers les 5 sens ou des concepts abstraits, on se concentre sur notre point de départ, ce lieu, cet objet. Cette étape est une porte d’entrée pour se sentir plus présent, pour s’ancrer dans cet endroit de l’inner. Lorsqu’on s’y sent suffisamment présent, on peut relâcher ce focus et commencer à interagir avec l’inner world “normalement” (quelle que soit votre propre norme, votre propre façon d’interagir avec votre inner world).

A noter que “s’y sentir suffisamment présent”, ça peut prendre des formes très variées d’une personne à l’autre. On pense souvent par défaut qu’il s’agit d’y être à la première personne, comme on fait l’expérience du monde physique – mais on avait mentionné le fait que certains flottent dans leur inner world comme des fantômes, ou le voient en vue de dessus, ou à la troisième personne, etc. Donc, s’y sentir “suffisamment présent”, c’est seulement en avoir une perception assez stable, suffisamment intense et nette pour vous, et qui vous satisfait.

Ensuite, passé ce moment d’ancrage et de concentration, on se relâche un peu et il n’est plus nécessaire de garder à tout instant présent à l’esprit chaque détail de ce qui vous entoure. Dans le monde physique non plus on n’est pas concentré à tout moment sur tout ce qu’on perçoit, ça occuperait toutes nos pensées. On est juste conscients de ce sur quoi on se focalise, intentionnellement ou du fait de la situation. Donc, en résumé, cette approche consiste à se concentrer sur un espace réduit ou des éléments simples pour arriver à “mettre un pied” dans l’inner et à s’y ancrer. Puis, une fois présent, on se détend pour passer à la suite (quitte à revenir à cette étape si on a de nouveau besoin de s’y ancrer).

Essais et répétitions

Quelles que soient les approches que vous explorerez, rappelez-vous encore une fois que, si pour certaines personnes c’est immédiat et facile (voire involontaire), ça n’est vraiment pas le cas de tout le monde. Ne vous découragez pas si ça ne vient pas de suite, ou pas au premier essai, ou si ça vient de manière incomplète ou indirecte, ou pas de la façon attendue. C’est normal. Plusieurs témoignages rapportent que c’est en se faisant une petite routine d’essais réguliers, par exemple une fois tous les jours, que des résultats se sont développés petit à petit.

Ne discréditez pas non plus chaque petite expérience ou chaque mini progrès que vous faites : le doute est normal, mais ça n’aide pas de se focaliser dessus. Chaque pas est un pas de plus.

N’hésitez pas à noter ces progrès, d’ailleurs, comme on peut tenir un journal de ses rêves. Ça aide à suivre leurs évolutions, et aussi à les ancrer dans la mémoire et les habitudes.

Le simple fait de travailler à développer votre communication et votre accès à l’inner world, d’essayer régulièrement des choses, développe vos capacités. Ça peut aussi faire que ces expériences arrivent de façon inattendue à un tout autre moment.

Comprendre son inner world

Sans vouloir tout sur-analyser, parfois il est utile de comprendre certaines choses, certaines raisons, certaines correspondances, certains fonctionnements dans l’inner world. Ça peut être utile à bien des égards.

Ça peut permettre de mieux se comprendre, de mieux comprendre son système, de mieux fonctionner ensemble, de mieux travailler sur ses émotions ou ses traumas. Ça peut aussi aider à mieux vivre son inner world, à mieux en profiter et l’apprécier, à découvrir tout son potentiel, à prévoir ce qu’on pourrait y faire ou ce qui est à éviter, à y prendre de meilleures décisions, etc.

Du coup, sans forcément chercher à tout déchiffrer, pourquoi pas tout simplement ouvrir l’œil et se montrer curieux.

Voilà quelques pistes qui peuvent être intéressantes à explorer. Représentations, reflets et symboles Certains lieux (ou objets ou personnages) de l’inner world peuvent refléter des lieux physiques, des époques de notre vie, des sentiments, des activités ou des personnes qu’on a connues. Ils peuvent par exemple leur ressembler plus ou moins, ou les représenter de façon plutôt symbolique, ou juste y être liés d’une manière ou d’une autre. Parfois on ressent juste qu’il y a un rapport, sans pouvoir dire pourquoi.

Ces associations peuvent être positives, négatives, neutres ou mitigées. Elles peuvent expliquer ce qu’on ressent par rapport à certains lieux ou éléments, pourquoi certains alters s’y sentent bien, ou mal, ou pourquoi ils s’y retrouvent souvent ou les évitent. Par exemple, un alter little pourrait souvent se retrouver dans un endroit qui correspond à une chambre où on a vécu pendant l’enfance, même si cet alter ne s’y sent pas toujours en sécurité, juste parce qu’il y est très lié. Ou encore, un alter caretaker qui prend soin de l’état émotionnel des membres du système peut aimer passer du temps dans un endroit qui s’avère justement refléter l’état du système et de ses membres.

Déceler et comprendre ce genre de liens et de fonctionnements peut du coup informer les choix et la manière de vivre dans l’inner world. On peut être moins surpris par des changements soudains quand on comprend en quoi ils sont liés à des évènements dans la vie physique, ou à un travail actuel sur tel souvenir ou telle émotion. On peut choisir de faire certaines modifications, ou au contraire d’y renoncer ou de les remettre à plus tard. On peut demander à un alter spécifique de se charger d’une certaine tâche, parce que ça correspond mieux à ses capacités ou à ses affinités avec certains objets ou certaines zones, et qu’il y arrivera sans doute mieux. Etc.

Par exemple : Un alter pourrait avoir tendance à passer du temps dans un même coin de l’inner world, par habitude, sans trop y réfléchir, alors qu’au fond cet endroit le rend triste. Le jour où on réalise que ce lieu est associé à une époque nulle où cet alter se sentait coincé, on comprend pourquoi il a cette tendance. On comprend que c’est juste une boucle, une habitude qui renforce un vieux sentiment. Cet cet alter peut alors décider par exemple de changer cette habitude, de résister à sa tendance à aller dans cet endroit, d’en partir quand il réalise qu’il y est. Il pourrait vouloir se créer exprès un autre coin ailleurs où passer ce temps. Ou bien, il pourrait au contraire choisir d’utiliser cet endroit comme opportunité de travailler sur ce passé : y aller pour transformer ce lieu, s’y faire accompagner par d’autres alters qui l’y aident, y apporter des choses agréables et motivantes, en faire quelque chose de constructif, y rajouter plein de portes et de fenêtres pour défaire cette impression d’emprisonnement… bref, l’utiliser pour travailler sur ses émotions.

Certains schémas de fonctionnement peuvent aussi être utiles comme indicateurs. On a déjà mentionné les changements spontanés, par exemple. L’illustration très classique, c’est la météo qui reflète les émotions, ou bien l’état d’un jardin qui est lié à l’état du système.

Mais les mêmes choses ne représentent pas les mêmes idées pour tout le monde, on ne peut pas analyser son système en se basant sur le vécu des autres. Par exemple, la pluie ou l’orage ne sont pas forcément un mauvais signe dans votre inner – peut être que pour vous c’est neutre, ou même exaltant ou positif. En reprenant l’exemple du jardin, une zone désertique n’est pas forcément liée à du négatif. Peut-être que pour vous les cactus et le désert sont surtout associés au souvenir d’un super voyage.

Il faut avant tout partir de ses ressentis pour comprendre les mécanismes propres à son inner world.

Esprit des lieux

Certains systèmes mentionnent le fait que dans leur inner, ils ont des lieux (pouvant aller d’une simple pièce à une forêt ou une planète) qui sont conscients, voire considérés comme des alters à part entière.

Si vous explorez votre inner world, il est intéressant de considérer cette possibilité. Ça ouvre des voies de communication intéressantes.

Et même si ça n’est pas le cas pour vous, si aucun lieu ne semble manifester de conscience propre, il peut être intéressant de se rappeler que même sans être un alter individuel pleinement conscient, un lieu dans l’inner reste une part de vous, quelque chose de vivant. Garder ça à l’esprit peut favoriser une manière harmonieuse d’interagir avec et de le comprendre.

Manifestations désagréables et mauvais souvenirs

Certains lieux ou objets ou personnages de l’inner peuvent être particulièrement angoissants, désagréables, ou même vécus comme dangereux. Ils peuvent être liés à des émotions ou des souvenirs négatifs, par exemple des angoisses ou à des traumas.

Parfois le lien est clair et évident, facile à comprendre. Parfois c’est plus comme un doute, un mauvais feeling, sans qu’on sache vraiment discerner une cause ou un sens.

Il se peut que certains alters soient plus affectés que d’autres par un lieu ou un élément de ce type. Il se peut qu’une partie de l’inner world soit devenue angoissante alors qu’elle ne l’était pas avant. Ou encore, Il se peut que l’ensemble de l’inner world soit ainsi, que ça soit momentané ou bien son état habituel.

Il est possible, en travaillant sur ses émotions et souvenirs, de voir un impact positif dans l’inner world, sur des lieux qui en étaient affectés. Ou à l’inverse, on peut travailler avec certains lieux difficiles de l’inner world pour gérer à travers eux les émotions et souvenirs qui y sont liés.

Dans tous les cas, comme tout ce qui a trait à des peurs ou des traumas, ce n’est pas forcément évident et ça demande des précautions.

Approche et précautions

Quand vous avez affaire à une part difficile de votre inner world La prudence et l’écoute sont vos amies.

D’une manière générale, par principe, rappelons que pour tout ce qui est de l’ordre de la mémoire traumatique et de ses effets, il est généralement recommandé de se faire accompagner d’une aide professionnelle. Bien sûr ça n’est pas accessible pour tout le monde, et puis la décision vous appartient. Mais lorsque c’est possible, lorsqu’on trouve quelqu’un avec qui un rapport de confiance a pu être établi, cette aide peut être très précieuse.

Par ailleurs, et même lorsqu’on est bien accompagnés, on peut être tentés de se laisser emporter par la curiosité ou la bravade, surtout quand les choses se passent bien. C’est à éviter, quand on travaille sur des éléments délicats de l’inner : mieux vaut tempérer ses ardeurs, prendre son temps et ses précautions pour éviter les mauvaises surprises qui pourraient vraiment causer beaucoup de stress. En clair, cette porte sinistre qui fait des bruits bizarres au fond d’un tunnel sombre avec un grand panneau “NON” à l’entrée, mieux vaut ne pas foncer dedans. Ça va sans dire, mais tout le monde peut avoir un moment téméraire.

Si on décide d’explorer ou de travailler avec un lieu intimidant de l’inner world, les conseils de prudence qu’on avait déjà mentionnés sont à nouveau de mise: C’est souvent une bonne idée de se mettre d’accord avec tout le reste du système avant de commencer. D’autres alters ont peut-être des réticences, ou des informations importantes. Certains pourraient aussi vous aider. Veillez à bien choisir votre moment : mieux vaut éviter de se lancer durant une période de stress, d’instabilité ou de fatigue. Dans l’idéal, il faudrait être bien reposé, calme, nourri et hydraté.

L’inner faisant partie de vous, quand ça ne va pas bien d’une manière générale, il s’en ressent aussi. Ça peut rendre une zone difficile encore plus hostile ou plus instable. Et même pour un mal-être qui ne concernerait que vous en tant qu’alter, quand on ne va pas bien, on apporte son malaise avec soi, en quelque sorte. Dans une zone paisible, l’inner world peut vous aider à aller mieux. Mais dans un endroit difficile, votre malaise peut favoriser des manifestations de mal être dans cette zone.

On peut aussi demander à une personne de confiance d’être présente, ou facilement accessible, pour aider à s’ancrer ou réconforter en cas de besoin.

Pendant l‘exploration ou le travail, quel qu’il soit, avec ces zones difficiles, on peut essayer autant que possible, d’y aller progressivement, en restant très attentif à ses réactions et à celles du système, à chaque petite étape. Ca n’est pas forcément facile d’être prêt à accepter d’arrêter au moindre souci, prêt à accepter de renoncer au projet, au moins temporairement, si le besoin s’en fait sentir. Surtout quand ce projet est important, quand il correspond à un besoin. Mais ça reste une approche utile.

Parfois, quand on a affaire à une zone difficile de l’inner et qu’on se sent agressé ou en danger, on peut aussi avoir tendance à aborder le problème dans un état d’esprit agressif ou antagoniste envers cette zone ou ce qu’elle contient. C’est une réaction normale et bien compréhensible, mais ça peut attiser les problèmes et être plutôt contre-productif.

Bien sûr, on ne dit pas qu’il faut faire comme si tout allait bien, arrêter magiquement d’avoir peur et aller faire un câlin aux vilains monstres.

On suggère plutôt de considérer ces endroits difficiles comme on verrait une blessure, par exemple une jambe cassée : Même si elle fait mal et qu’elle empêche de courir, on ne l’attaque pas. On ne la supprime pas non plus ! A la place, on la traite avec précaution, on essaye de minimiser ou d’éviter la douleur, de comprendre ce qui ne va pas. On se fait aider si besoin, on la soigne, on lui donne les meilleures conditions possibles et on lui laisse ensuite le temps de guérir.

En résumé, nos conseils pour quand vous avez affaire à des endroits ou des choses difficiles dans l’inner, c’est de: Vous concerter avec le système, Vous faire potentiellement aider ou accompagner, Choisir de préférence un bon jour, un bon moment, Dans la mesure du possible, de prendre votre temps, être attentifs et prêts à arrêter ou reculer si besoin, Être respectueux et à l’écoute non seulement de vous-mêmes mais aussi des peurs et des blessures qui se manifestent dans ces zones de l’inner world.

D’ailleurs, tout ça vaut aussi si vous ne pensez pas avoir d’anxiété ni de trauma particulier dans votre vie. Tout le monde a ses propres peurs inconscientes. Si vous trouvez quelque chose de bizarre ou d’inquiétant dans votre inner world, foncer tête baissée n’est généralement pas une super idée. Respectez votre inconscient, il vous le rendra.

Interagir avec un lieu de l’inner world où on ne se sent pas en sécurité

Voilà quelques éléments qu’on a pu rassembler, au sujet de la façon de vivre avec ce genre d’endroits dans l’inner world, ou de travailler dessus. Encore une fois, ce sont des idées en vrac, venues d’expériences diverses. Pas des vérités absolues, donc, mais une base de réflexion et d’inspiration. Par ailleurs, il sera entre autres question de créer ou de modifier des choses dans l’inner world, mais dans cette partie on n’abordera pas les méthodes pour le faire : ça, c’est un sujet qu’on verra par la suite.

Si on n’est pas obligé d’aller dans une zone difficile de son inner world, on peut choisir de l’éviter pendant un moment, surtout si on pense que les choses vont se calmer avec un peu de temps. Rien n’oblige à aller affronter tous les problèmes dès qu’on les remarque. A vrai dire, il est possible aussi que d’autres soucis émotionnels aient besoin d’être travaillés avant de pouvoir explorer et régler ce souci d’inner en particulier. Peut-être même que ce souci d’inner fait barrage précisément parce qu’on n’est pas prêt à accéder à d’autres parties de l’inconscient.

Si on est obligé de passer dans cette zone difficile, voire même si on n’a pas d’autre choix que d’y être, on peut tenter de travailler avec d’autres membres du système pour au moins améliorer la situation : par exemple créer un abri, réparer des choses, s’équiper… On peut aussi essayer de permettre à un alter bloqué dans une zone difficile d’avoir accès à l’extérieur de cette zone. S’il n’est pas immédiatement possible de lui créer un moyen de sortir, on peut peut-être déjà créer un moyen de communiquer avec cet alter, d’échanger des objets, de lui permettre de voir à l’extérieur. Ces premières étapes peuvent à la longue ouvrir la voie et permettre d’aller plus loin, et plus tard, de créer une issue.

Le travail avec l’inner world est une collaboration, puisqu’il est une partie de vous. A terme, le combattre ou tenter de lui imposer sa dominance n’apporterait rien de bon – il s’agit plutôt de le comprendre.

Dans un premier temps, si quelque chose (un lieu, un élément) se montre dangereux ou hostile, aussi contre-intuitif que ça puisse paraître, vous pouvez tenter le dialogue. Demandez pourquoi, ce qu’il y a, ce que ça veut. Pas forcément avec des mots, on peut juste penser ou exprimer cette demande. La réponse peut être très simple, et dans ce cas parfois la solution aussi. La réponse peut aussi être purement hostile, mais ça reste un pas. Parfois, le simple fait que cette hostilité ait été exprimée suffit déjà à la diminuer. Si besoin, on peut s’y prendre à plusieurs fois, renouveler le dialogue. S’il y a des demandes, il faut alors savoir les respecter et tenir parole (ou bien si elles ne sont pas possibles ou acceptables, ne pas s’y engager, et expliquer pourquoi). On cherche à rétablir une relation de confiance, comme on le ferait avec une personne.

Dans un second temps, si ça ne marche pas, il vaut toujours mieux ne pas être hostile, mais plutôt jouer la défense et se protéger en attendant que d’autres possibilités s’ouvrent. Selon la situation et les besoins, on peut tenter différentes choses : construire quelque chose avec l’aide d’autres alters par exemple, un refuge, un mur… Depuis cet espace protégé, on pourra d’ailleurs continuer à essayer de comprendre, de dialoguer. Parfois le problème est plus d’ordre fonctionnel : on est coincé dans une boucle qui se répète, ou bien la physique ne fonctionne pas normalement, etc. On peut essayer de focaliser son attention sur un point ou une pensée, ou de se distraire, pour voir si penser à autre chose peut diminuer ou arrêter le phénomène. On peut aussi s’équiper pour mieux fonctionner dans ce contexte étrange.

Dans une zone hostile de l’inner, encore plus qu’ailleurs, il est fréquent de rencontrer plus de difficultés ou d’échecs dans ce qu’on essaye de faire : par exemple l’abri qu’on a construit qui se retrouve cassé ou envahi, ou un objet qu’on a créé qui devient agressif, bref, des classiques parfois un peu cauchemardesques. C’est stressant et parfois décourageant, bien sûr. Mais dans la mesure du possible, essayez de garder à l’esprit que ça n’est pas forcément grave ni irréversible. Prendre un peu de distance, si on y parvient, peut vraiment aider. Se laisser envahir par l’angoisse a tendance à renforcer les difficultés, donc tout ce qui peut permettre de la modérer sera souvent d’une grande aide. Recommencer le travail avec patience, se faire épauler par les autres membres du système si possible, prendre soin de soi, tout ça va dans le bon sens.

Enfin, d’une manière plus générale, adopter volontairement une perspective ouverte sur ce qu’apportent ces objets et recoins rebelles ou désagréables de l’inner peut donner de bonnes idées. Un témoignage que j’ai lu sur le blog anglophone de lb_lee (ou Loony-Brain) m’a semblé très parlant. Il était question des divers degrés de malléabilité et d’imprévisibilité que peut avoir un inner world ou ses différents secteurs, et du fait que la stabilité, la sécurité et la prévisibilité n’étaient pas forcément plus précieuses ou entièrement meilleures. Le système Loony-Brain comparait son premier inner world, volontairement construit par un alter, à un petit chien de compagnie d’une espèce sur-sélectionnée, très domestique, facilement contrôlable et sans danger mais aussi sans résilience ni indépendance. Alors que son nouveau headspace qui s’était développé spontanément par la suite était plus sauvage, plus incontrôlable, plus effrayant et hostile parfois, mais aussi bien plus résistant, et avait fini par s’avérer être d’une grande aide.

Attention, il ne s’agit pas là de dire que les espaces construits volontairement sont forcément stables, sans danger ou peu résistants (les expériences de beaucoup de systèmes indiquent le contraire), ni que les espaces apparus spontanément sont forcément dangereux, ou plus résistants, ou les deux.

Il s’agit plutôt d’une philosophie qui ouvre des perspectives : il est possible de trouver de la valeur potentielle, et pas seulement une source d’ennuis, dans les zones plus difficiles de l’inner world. Ca ne retire pas le fait qu’elles puissent poser de gros soucis, et un système dont tout l’inner world est un vrai cauchemar par exemple n’aura sans doute pas pour priorité d’essayer de l’apprécier!

Mais quand on a la possibilité de trouver un équilibre, c’est chouette de se dire qu’on peut d’un côté apprécier ce qu’offrent les parties plus “domestiques” de notre monde intérieur – un précieux refuge, un espace de repos, un lieu pour jouer, vivre, communiquer – tout en tirant aussi le meilleur parti des zones plus sauvages, celles qui ne se laissent pas dompter, mais qui, si on parvient à les aborder et à trouver des terrains d’entente, pourraient peut-être devenir, au moins dans certains cas, extrêmement enrichissantes, justement du fait de leur nature. Et ça, ça peut changer la façon dont on les perçoit et dont on interagit avec.

Agir sur son innerworld (création, modification)

Tout d’abord, une question insidieuse qui peut vous venir à l’esprit, en abordant ce sujet, c’est :

“Et si j’avais tout inventé?”

Pour certains, l’idée de créer ou de modifier son inner world peut faire douter de sa légitimité, de sa réalité, de son authenticité… Après tout, qu’est-ce qui différencie un inner world d’un autre type de lieu imaginaire? Beaucoup de gens auront bien des réponses différentes à ce sujet. Certains identifieront un “vrai” inner world (entre guillemets) au fait qu’il se soit créé spontanément, ou bien au fait qu’il soit lié à la multiplicité, au fait que des alters s’y trouvent quand ils ne front pas, voire qu’on puisse les y rencontrer, ou encore au fait qu’il puisse refléter des éléments de la psyché et devienne un outil de travail en thérapie. Certains l’identifieront au fait de pouvoir s’y promener “directement”, spécifiquement à la “première personne”, ou comme dans un rêve mais de façon récurrente et relativement cohérente d’une fois à l’autre. Mais tous ces éléments ne correspondent pas à l’expérience de tous les systèmes partageant leur vécu de l’innerworld. Difficile donc d’en fixer une définition, de choisir des critères.

Souvent, les personnes ayant un innerworld semblent bien dire qu’elles le ressentent comme spécifique, différent d’une simple rêverie d’un instant, et distinct aussi des autres rêves qu’on fait en dormant (même quand leur façon de le vivre peut parfois y ressembler). Ce qui peut vous amener à des questionnements sur l’authenticité du vôtre : “Est-ce que j’ai vraiment un innerworld? Est-ce que je n’ai pas juste tout imaginé? Et si j’essaye d’y créer ou modifier des choses, est-ce que ça n’est pas la preuve que c’est seulement de l’imagination?”

Quand un lieu apparaît “spontanément” dans notre esprit, sans décision consciente, lorsqu’on a l’impression d’être devant le fait accompli, de constater simplement qu’il y a cet endroit qui perdure, où des alters vont et viennent, sans qu’on n’ait rien demandé, on a tendance à le trouver plus légitime, plus “vrai”, moins “imaginaire”.

C’est très trompeur : ce lieu a bel et bien été imaginé, ça s’est simplement fait inconsciemment. Le cerveau a comblé un besoin de son mieux. C’est intéressant, quelque chose qui sort tout droit de l’inconscient, ça peut permettre de comprendre un peu mieux ce qui s’y passe. Mais ça n’est pas en soi “plus vrai” ni “plus valable” que ce que vous imaginez consciemment et délibérément.

On pourrait faire remarquer que, “Quand même, si là tout de suite j’imagine par exemple un bateau avec une cargaison d’oranges, même si je me concentre et que je l’imagine bien, ça reste différent de l’inner world : c’est chouette mais sans conséquence, et demain je l’aurai sans doute oublié. Et même si je m’en rappelle vite fait, ça n’est pas pour autant automatiquement devenu une partie de mon innerworld, je ne vais probablement pas me retrouver sur le pont, les alters ne vont probablement pas se retrouver à devoir décharger une cargaison d’oranges.”

Non, probablement pas. Si à chaque fois qu’on imaginait la moindre chose ça s’ajoutait à l’inner world, ça serait vite très compliqué! Parfois quelque chose qui nous marque s’ajoute sans faire exprès (que ça vienne de nous ou d’un livre ou d’un film ou d’un jeu, etc.), mais c’est justement ça la clef : ça nous marque. Le cerveau décide de l’inclure et de le conserver, de l’intégrer à cette structure intérieure qu’est notre inner, parce que ça a une importance symbolique ou émotionnelle pour nous, même si on ne la comprend pas forcément. Autrement dit, ça a une signification et une utilité. C’est sur ces deux axes que se base la philosophie de cette présentation : on ne va pas disserter de ce qui compte ou pas, de ce qui est plus “réel” ou moins “réel” qu’autre chose, de ce qui devrait s’appeler comme ci ou comme ça.

On va plutôt s’attacher à reconnaître et accepter ce dont on fait l’expérience, à explorer et comprendre la signification de cette expérience quelle qu’elle soit, et à chercher ce qu’on peut en tirer de mieux et comment.

“Ok maintenant on fait quoi?”

Franchement? On fait bien ce qu’on veut. Tout ce qu’on veut, tant qu’on ne se fait pas de mal, ni à soi ni au système.

D’où l’importance de prendre les précautions habituelles : être attentif, progressif, prendre son temps et choisir son moment, consulter autant que possible les autres membres du système. Accepter si besoin de changer, de remettre à plus tard ou de renoncer à un projet de modification quand il ne fonctionne pas ou quand il pose problème. Ca n’est pas grave, il y a une infinité d’autres possibilités, le tout est de trouver d’autres idées.

Encore une fois, interagir avec votre monde intérieur, c’est interagir avec les profondeurs de votre cerveau, avec les richesses de votre inconscient. En fait, on ne travaille pas vraiment sur son inner world, on travaille plutôt avec son inner world. C’est une danse, une collaboration.

Quelques exemples?

A titre d’inspiration, pourquoi pas ! Mais n’oubliez pas que c’est vous – avec votre système, bien sûr – qui trouverez les idées qui vous conviennent le mieux.

La clef selon nous : ne vous limitez pas. Priorisez simplement ce qui marche bien pour vous, pour votre inner, pour votre système, votre inconscient, votre (ou vos) façon(s) de penser. Est-ce que ça fonctionne? Est-ce que ça vous convient? Est-ce que c’est simplement plus facile, plus confortable? Si oui, alors c’est très bien.

Ici, je ne parle pas seulement de préférences personnelles et de goûts (même si c’est important de créer un espace qui vous plaît). Je parle aussi, avant ça, d’identifier ce qui semble convenir à votre cerveau, ce qui lui vient intuitivement, ce qu’il a tendance à accepter, à conserver, à produire.

N’ayez pas peur du bizarre, du fantaisiste, du grotesque – et à l’inverse ne sous-estimez pas le conventionnel, le classique, le commun. Si votre cerveau semble plutôt accrocher au vraisemblable, faites du vraisemblable. Des machines plutôt que de la magie. Des choses de style plus réaliste – les possibilités restent infinies. Si votre cerveau accueille plutôt les licornes et les êtres interdimensionnels qui réécrivent les lois de la physique, qu’à cela ne tienne ! Profitez-en. Si ce qui vous vient c’est un mélange des genres sans aucune continuité, où le high-tech côtoie le fantastique puis le cartoon puis l’abstrait, ou même mixe tout ensemble, pourquoi pas ! Encore une fois, ce qui compte c’est que ça vous corresponde. Le fait que ça ait l’air sérieux, ou impressionant, ou cohérent, ça n’a d’importance que si vous y attachez de l’importance. Et si ça ne marche pas, ça n’est pas grave : ça ne coûte rien d’essayer des choses. On passe à une autre idée.

Voilà donc quelques exemples en vrac:

Créer ou modifier des lieux pour le plaisir, ou bien pour remplir une fonction (ou les deux). Un endroit pour se réunir et discuter (c’est un grand classique, souvent bien utile). Un endroit pour se sentir en sécurité, voire pour se protéger si besoin (encore un classique). Un lieu de vie pour un ou plusieurs alters, pour avoir un endroit à soi. Un observatoire, pour se tenir au courant de l’état de certains lieux, voire de l’ensemble de l’inner. Un endroit pour jouer. Un endroit où faire pousser des choses utiles, par exemple un jardin d’herbes médicinales, un potager, des haricots magiques etc. Un endroit pour créer et construire, justement : comme un atelier, un laboratoire hi-tech, une tour d’alchimiste, une plage de sable cinétique dont on peut façonner tout et n’importe quoi, des bâtiments et même des créatures… Un lagon paradisiaque, pour réaliser le rêve de cet alter qui a toujours rêvé d’aller à la mer. Une grotte avec une rivière souterraine, pour que cet autre alter qui refuse de voir le jour puisse malgré tout se relaxer et écouter le bruit des gouttes et de l’eau. Un bon fauteuil pour la salle de front, pour y être plus à l’aise. Un petit hublot, pour que cet alter qui a peur de sortir de son trou puisse malgré tout regarder dehors. Une cascade, juste pour le plaisir. Une porte dérobée, pour sortir plus facilement de cet endroit pas cool où certains alters se retrouvent parfois coincés.

On pourrait aussi créer des outils: Un système de communication, encore un grand classique. Ça pourrait être un interphone, ou plutôt un essaim de papillons qui vont porter les infos à tout le monde ou à un destinataire précis, ou des téléphones portables, etc… Un téléporteur, ou un véhicule, pour se déplacer d’un lieu à un autre plus facilement. Un appareil sismographe, pour mieux contrôler l’activité d’un volcan de l’inner, et savoir quand se préparer. Un coffre personnel pour chaque alter, que seul le concerné peut ouvrir. Un instrument de musique. Un costume de protection. Un GPS ou une boussole, ou tout autre système pour trouver son chemin. Une belle peluche pour un little.

N’hésitez pas à en parler entre membres du système : chacun donnera des idées, parlera de ses envies et besoins, et vous pourrez voir ensemble ce qui est souhaitable et ce qui vaut le plus la peine d’être tenté.

“Et on fait comment?”

direz-vous peut-être.

Ou peut-être pas, il y a des gens pour qui modifier ou créer dans l’innerworld vient tout naturellement, sans se poser de questions. Mais cette section servira surtout aux gens pour qui ça n’est pas le cas.

Comme vous vous en doutez, il n’y a toujours pas de recette qui fonctionne à coup sûr pour tout le monde.

D’ailleurs, tout le monde ne va pas se heurter aux mêmes questions ou aux mêmes problèmes. Pour certains, la difficulté c’est surtout l’action de créer ou de modifier quelque chose. Pour d’autres, c’est le résultat, qui ne correspond pas à ce qu’on voudrait. Pour d’autres encore, c’est la persistance : ça ne dure pas, ou au contraire ça reste alors qu’on voudrait s’en débarrasser… etc.

Mais comme toujours, on va essayer de passer en revue quelques conseils et quelques exemples vus ici et là, quelques approches qui peuvent être testées ou bien donner des idées pour se créer sa propre méthode.

Comme précédemment, toutes les précautions tiennent toujours : priorité à la sécurité et au bien être du système. Consultez-vous les uns les autres dans la mesure du possible. Si c’est faisable et que ça vous aide, n’hésitez pas à demander à une personne de confiance de rester à vos côtés, ou de rester disponible. Choisissez un bon moment, évitez les mauvaises périodes. Idéalement, soyez reposés, hydratés et nourris. Restez attentifs aux ressentis, explorez doucement, progressivement, et soyez prêts à arrêter, à changer de plan ou à rebrousser chemin si besoin.

Communication et coopération

Du coup, avez-vous abordé l’idée de faire des créations et modifications dans l’inner, avec le reste du système?

Parfois, certains alters ont beaucoup plus de facilité que d’autres à faire ces choses là, et c’est toujours pratique de le savoir. Certains systèmes choisissent de simplement passer par ce ou ces alters pour toute demande de ce type. Parfois aussi, c’est le travail à plusieurs, en collaboration, qui est le plus facile ou qui donne les meilleurs résultats. Vous pourriez aussi découvrir que certaines difficultés à créer viennent du fait qu’un alter est réticent aux changements envisagés par exemple, même si cet alter n’essaye pas consciemment de les empêcher. D’une manière générale, n’hésitez pas à communiquer et à expérimenter.

Improvisation ou préparation ?

Là où certains partent d’une idée assez vague et créent sur le moment, improvisant tous les détails, d’autres ont besoin au contraire d’avoir à l’avance une notion très précise de ce qui va être fait.

Pour ça, on peut juste se poser et réfléchir. Mais on peut aussi décrire le projet, par exemple en écrivant ou en dessinant, ou en collectionnant des images d’inspiration pour chaque petit élément, sur Pinterest par exemple. On peut créer une représentation de son projet en legos ou en pâte à sel, ou en le modélisant sur ordinateur. On peut utiliser Minecraft, les Sims, un logiciel gratuit de modélisation de maisons et de jardins, les possibilités ne manquent pas. Une fois que c’est fait, certains trouvent beaucoup plus facile d’intégrer leur projet à l’inner world. Parfois même, cette préparation suffit en elle-même : on retourne dans l’inner world et tout est déjà là comme souhaité.

Création directement sur place

Pour qui souhaite tenter de créer (ou modifier) quelque chose directement depuis l’inner world, il y a aussi bien des façons de s’y prendre. Aucune n’est meilleure qu’une autre bien sûr, il s’agit de trouver ce qui marche pour vous. Pour ça, la clef encore une fois, c’est de trouver ce qui vous vient le plus naturellement, ce que votre façon de penser acceptera le mieux. Et ça peut varier d’un alter à l’autre, bien sûr.

Mettons qu’on veuille ajouter une table, par exemple. Peut-être que pour vous, il suffit d’y penser pour que ça se produise – soudain la table est là, pile comme vous le souhaitiez. Ça peut vraiment être aussi simple que ça, et tant mieux.

Mais si ça n’est pas le cas, vous pouvez essayer des approches plus indirectes, plus progressives, en se représentant le processus d’apparition de cette table.

Par exemple: Tâter le vide là où la table doit être, en suivre les contours comme si elle était là, jusqu’à ce qu’elle y soit. Ou bien, Fermer le poing et se concentrer pour sentir au creux de sa paume une graine de table. La planter au sol et regarder pousser la table, arroser si besoin. Ou bien, Dessiner la table dans les airs avec un crayon magique. Ou encore, Tout simplement, créer la table, à partir de bois ou d’autres matériaux, dans un atelier, dans l’inner world. Etc. Et si vous fonctionnez non pas avec des sens physiques mais en concepts abstraits, vous pourriez utiliser là aussi une complexification progressive des paramètres, des fonctions ou catégories de l’objet que vous créez (selon les notions que vous avez tendance à utiliser et qui ont du sens pour vous). Par exemple pour la table, on pourrait partir d’une fonctionnalité très basique : “un truc pour poser des choses dessus”. Puis l’étoffer, “Un grand truc plat, pour poser des choses dessus”. Puis “Un meuble, plat, accessible, assez grand pour tous les alters présents, pour poser des choses dessus.”

Vous voyez où on veut en venir : dans tous les cas, c’est une question de représentation mentale, et surtout de trouver la représentation mentale qui vous convient à vous. Ce qui permettra le mieux à votre cerveau d’accepter qu’il y ait maintenant la table que vous voulez, à l’endroit que vous voulez. Et on a pris un exemple de création d’objet, mais ça vaut aussi pour des modifications. Vous pourriez découper une porte dans un mur avec un sabre laser, agrandir ou rapetisser des choses avec des gants spéciaux, et ainsi de suite. Votre imagination est la seule limite.

Co-création avec l’inner world

Si, comme pour nous, votre inner world ou certaines parties de votre inner world sont assez réactives, assez vivantes (voire conscientes, pourquoi pas), votre processus de création peut aussi se faire en tandem avec le lieu.

Bien sûr ça peut prendre plusieurs formes, et ça dépend complètement de votre inner et de vos rapport avec lui. Mais voilà un exemple pour illustrer : Dans notre cas, mettons qu’on se rende dans un lieu de notre inner où on voudrait créer quelque chose en coopération avec ce lieu. Disons, un abri par exemple.

Une fois dans ce lieu, on pense à la notion de refuge, on émet cette idée à l’adresse du lieu, un peu comme une demande ou un besoin. Pour nous c’est comme une conversation se déroulant sans mots, juste en pensées et en ressentis. Et sous cette impulsion, c’est le lieu qui, plus ou moins rapidement, va générer par exemple une cabane, ou une grotte. On va peut-être la voir apparaître, ou bien se rendre compte qu’elle est là alors qu’elle n’y était pas avant. On peut même la découvrir comme si elle y avait toujours été et qu’on avait juste mal regardé.

La forme prise par cette création, ainsi que les détails, seront alors en grande part une surprise pour nous, et ne correspondront pas à quelque chose qu’on aurait prévu. Par contre ça correspond tout à fait à nos besoins, à la demande qu’on avait faite (ce qui n’empêche pas qu’on peut toujours décider d’y faire quelques modifications soi-même par la suite si on a envie).

A noter qu’on ne tenterait probablement pas ce genre de méthode en coopération avec le lieu dans une zone où on ne se sent pas bien, un endroit qu’on soupçonne d’être lié à des angoisses ou de mauvais souvenirs par exemple. Si on avait besoin d’y créer ou d’y modifier des choses, on s’y prendrait sans doute autrement. Ou bien, si on décidait de le faire en co-création avec ce lieu difficile, pour une raison ou une autre, ça impliquerait des préparatifs et des précautions particulières.

Temps et répétition

Le temps et la répétition peuvent faire une grande différence, dans les processus de création et de modification dans l’inner world.

Tout ne se fait pas forcément instantanément, ni même en une fois. Si vous utilisez la méthode des graines par exemple, et que pour l’instant vous ne parvenez à planter qu’au maximum une graine de chaise par jour, et qu’en plus vous réalisez qu’elles poussent aussi lentement que des plantes dans le monde physique, soit. Vous aurez votre tablée dans un peu plus de temps. C’est toujours un premier pas.

Ou bien, peut-être que vous pouvez facilement faire apparaître une table et trois chaises en un clin d’œil, mais que construire une pièce, une maison, un château, ça vous demande trop de concentration pour faire ça d’un coup, parce que c’est grand et complexe. Peut-être que vous vous y prendrez mur par mur, pièce par pièce, en plusieurs sessions. C’est ok. Il se peut aussi que ça ne marche tout simplement pas au début, ou seulement avec beaucoup d’efforts.

Souvent, les choses deviennent plus faciles et rapides avec le temps et la répétition. Avec la pratique, vous pourriez un jour réaliser que vous êtes maintenant capable de creuser un océan en un claquement de doigts. Persistance Très souvent, et surtout quand on n’a pas encore l’habitude de créer dans son inner world, il arrive que les changements s’estompent, que les objets créés disparaissent. Ça peut être immédiat, ou bien se dissiper au bout de plus ou moins longtemps (par exemple on constate la disparition en revenant plus tard). Parfois on peut volontairement créer quelque chose d’éphémère – mais quand des changements ou des créations qu’on voulait faire durer disparaissent, c’est frustrant. Dans tous les cas, même si ça peut être décevant, il n’y a pas d’inquiétude à avoir, encore une fois c’est très fréquent, et on peut y remédier.

Le plus souvent, il est conseillé de répéter l’opération à l’identique, de re-créer les objets, de refaire les changements, autant de fois que nécessaire, comme un entraînement. Ça devient souvent plus rapide et plus facile à chaque fois. Ça peut être un peu lassant, mais la répétition va aider les choses à tenir, petit à petit. L’idée est aussi qu’on devienne soi-même plus efficace, donc qu’on ait de moins en moins souvent besoin de faire de genre de répétitions pour les futures créations.

Certains rapportent que s’y prendre à plusieurs alters pour créer ou modifier les choses serait plus efficace, et que les résultats auraient tendance à mieux tenir dans ce cas.

Certains conseillent aussi, lorsqu’un lieu ou un objet est nouvellement créé, d’inciter d’autres alters à interagir avec, à s’y rendre, à l’utiliser, ce qui aiderait à le fixer.

Pour certains, le fait d’avoir planifié et représenté le projet à l’avance aide non seulement à le créer mais aussi à le maintenir en place, le fixant mieux qu’une création improvisée.

Dans certains cas, quand on essaie de modifier quelque chose qui persiste à reprendre sa forme précédente, on peut avoir plus de succès en créant une seconde version en plus, au lieu de le modifier.

Par exemple, mettons qu’à chaque fois que je me rende dans l’inner, je me retrouve toujour vêtu du même manteau jaune qui me rappelle une mauvaise époque. Je tente de le changer en un joli manteau bleu, mais sans succès, il redevient toujours ce vieux manteau jaune. Je pourrais alors plutôt créer un nouveau manteau : le joli manteau bleu. Quand je me retrouve à porter le manteau jaune, je l’enlève, je l’accroche au porte manteau, là où je peux bien le voir, tandis que je prends le manteau bleu à la place. Le fait d’enfiler le manteau bleu, en ayant dans mon champ de vision le manteau jaune accroché au porte manteau, peut m’aider à ancrer l’idée que je porte bien l’un et pas l’autre. Si plus tard je réalise que je porte à nouveau le jaune, je peux revenir au porte manteau et les échanger à nouveau – reposer le manteau jaune, mettre le bleu. Petit à petit, ça deviendra plus facile, jusqu’à peut-être régler le problème et pouvoir se débarrasser du manteau jaune (ou juste l’oublier dans son coin). Cette histoire de manteaux est un exemple bien sûr, pour illustrer cette méthode plus générale de remplacement quand la transformation ne marche pas bien.

Enfin, comme toujours, il est intéressant de chercher à savoir s’il peut y avoir d’autres raisons pour qu’un changement ne tienne pas : Est-ce que tout le monde est ok avec ce changement? Est-ce que le lieu n’est tout simplement pas compatible avec ça, pour une raison ou une autre? Est-ce que c’est lié à des émotions ou des souvenirs particuliers par rapport au lieu ou à l’objet? Est-ce que ça n’est juste pas le moment, parce qu’on est fatigués, parce que ça ne va pas super bien, ou autre? Ou même, sans vraiment comprendre pourquoi, est-ce qu’on ressent tout simplement que ça ne convient pas?

Comme pour beaucoup de choses dans l’inner, si on voit que ça ne passe pas, ça peut valoir le coup de faire une pause, de laisser les choses décanter et de se donner le temps de comprendre. Ça vaut toujours mieux que de forcer ou de se stresser.

Créer un inner world lorsqu’on n’en a pas

C’est quelque chose dont on n’a pas l’expérience personnelle, mais il existe des témoignages de personnes s’étant volontairement créé un monde intérieur et étant satisfaites du résultat. Nous allons explorer un peu le sujet.

Tout d’abord, certains se demanderont,

Est-ce vraiment un inner world si je le crée?

Il existe sûrement des débats sur la légitimité à considérer cela comme un inner world au même titre que ceux apparus spontanément, ou sur le degré de similitude dans le fonctionnement, l’intensité de sa signification psychologique et émotionnelle, etc. Comme vu précédemment, nous n’allons pas nous y attarder ici. Il existe déjà une telle variabilité entre les expériences des divers systèmes avec leur inner world qu’il me semble vain de chercher à tracer une frontière entre un type d’univers mental persistant et un autre.

Ce qui nous intéresse ici, ce n’est pas de trier ni d’étiqueter les expériences. Encore une fois, notre but, c’est de rassembler toutes les pistes possibles, tous les outils potentiels, afin de permettre à chacun de se forger une méthode sur mesure pour tirer le meilleur parti de son propre cas.

Par ailleurs, on peut aussi se demander,

Pourquoi vouloir créer un inner world si on n’en a pas?

Et effectivement, rappelons nous, comme vu au début, que tout le monde n’a pas forcément besoin ni même envie d’avoir un inner world. Ça n’est absolument pas une nécessité.

Bon. Mais en ce qui concerne les gens qui désirent avoir un inner world, pourquoi en vouloir un?

Différentes personnes peuvent avoir diverses raisons pour souhaiter se créer un inner world.

Pour beaucoup de gens, et en particulier pour les systèmes, des motivations assez courantes sont par exemple : utiliser l’inner world comme refuge, comme outil pour communiquer entre membres du système, pour explorer et comprendre sa psyché et son système, voire pour travailler avec sa psyché et son système.

Mais on peut aussi souhaiter avoir un inner world par curiosité, ou pour le plaisir, ou pour des raisons en lien avec des croyances par exemple.

Il y a aussi des gens qui créent ce genre d’espace mental dans des buts très pragmatiques, pour faciliter certaines tâches cognitives (notamment la mémorisation, la représentation, un espace calme de réflexion, exercer son imagination…).

Qu’on soit multiple ou non, qu’on ait déjà un innerworld ou qu’on se le soit créé, rien n’empêche d’explorer toutes ces possibilités (tant qu’on ne le fait pas aux dépends de sa stabilité et de son bien être, naturellement).

Comment on fait?

Comme d’habitude il n’y a pas de méthode toute faite qui fonctionne pour tout le monde à coup sûr. Mais là aussi, on va explorer des pistes et idées.

Une dernière fois, rappelons avant tout les précautions d’usage: Communiquez : mettez-vous d’accord, assurez-vous que tout le monde aille bien à chaque étape, acceptez d’arrêter voire de rebrousser chemin si besoin. Choisissez un bon moment, sans fatigue, sans stress, essayez de vous nourrir et de vous hydrater. Rappelez vous que puisque vous travaillez avec votre psyché, votre inconscient n’est pas loin. Il contient des merveilles, mais aussi des mauvais souvenirs et des peurs. Pour certaines personnes, c’est une évidence avec laquelle elles sont malheureusement obligées de jongler chaque jour. Mais même si vous n’êtes pas dans ce cas, même si vous n’êtes pas particulièrement anxieux ou traumatisés (et tant mieux), vous pouvez toujours tomber sur des trucs pas cools. Ça n’est pas forcément grave, ça peut même être bénéfique de travailler dessus, mais prenez votre temps et prenez soin de vous. Et enfin, rappelez-vous que vous avez peut-être déjà un innerworld sans le savoir – et du coup, vous pourriez le découvrir en tentant d’en créer un. Ne soyez pas trop surpris.

Quelques approches possibles:

En fait, vous allez voir qu’on retombe sur des variations de ce dont on a déjà parlé.

On peut planifier et créer à l’avance : Comme pour la modification de lieux et d’objets, pour certaines personnes c’est plus facile en préparant à l’avance ce qu’on veut construire. Que ça soit en y pensant, en le dessinant, en l’écrivant, en collectionnant des images dont on s’inspire, en le modélisant virtuellement, etc…

On peut se baser sur un lieu connu : Pour certaines personnes, il est plus facile ou naturel d’utiliser un lieu qu’on connaît bien (imaginaire ou réel) comme base de création. Qu’il s’agisse juste de reprendre la structure générale du lieu, ou bien de le réutiliser à l’identique (quitte à le modifier plus tard si on veut), on peut avoir plus de facilité à se projeter dans quelque chose qu’on a déjà clairement à l’esprit. (A vrai dire, dans les inner worlds apparus spontanément, il est extrêmement courant d’avoir des lieux basés plus ou moins fidèlement sur des souvenirs de lieux réels ou fictifs qu’on connaît.)

Puis on se lance : Et en l’occurrence, dans les témoignages que j’ai pu lire, la méthode employée revenait plus ou moins à ce qu’on a décrit dans la partie “accéder à son inner world” : partir d’un point simple et limité, et créer le reste à partir de là.

Donc, si on récapitule, il s’agirait de s’installer dans de bonnes conditions, de se concentrer, et de se représenter (selon ses moyens et ses préférences) un point ou un élément précis de ce que l’on cherche à créer. Par exemple, disons, la porte d’entrée d’un bâtiment qu’on a pris pour modèle.

On se représente cette porte et ce seuil le plus vivement possible, on s’y projette en imagination. Et une fois qu’on s’y sent suffisamment présent, et que cette présence se maintient, on peut commencer à étendre le lieu, à créer la suite, à son rythme. Dans cet exemple, il s’agirait sans doute de la pièce, des meubles, de l’extérieur etc.

Si le reste apparait tout seul, ou semble avoir déjà été là avant, félicitations ! Vous avez votre début d’inner world. A partir de là, vous pourrez vous exercer à y revenir régulièrement, à l’étendre, à le modifier selon vos goûts et vos besoins, etc.

Et même si vous avez créé cet espace vous-même, je vous conseille aussi de penser à l’explorer et à chercher à le comprendre : vous verrez qu’il peut très souvent y avoir des choses, des fonctionnements, qui vous échappent et que vous n’avez pas façonnées intentionnellement. Ces choses sont souvent très intéressantes !

Conclusion

Voilà, nous avons fait le tour de cette petite collection d’idées, d’expériences et de conseils.

Comme vous le voyez, ça ne couvre clairement pas tout ce qu’il y aurait à dire sur les inner worlds. Peut-être aussi que votre expérience est trop différente pour que ces points aient vraiment pu être pertinents pour vous, et si c’est le cas, toutes nos excuses. Peut-être aussi que vous êtes vraiment en désaccord avec certains points – et on rappelle que c’est tout à fait légitime, on vous encourage à prendre tout ça avec esprit critique. On est curieux de découvrir les discussions et partages que cette présentation aura pu faire naître.

On espère surtout que vous aurez pu y trouver des choses utiles, de l’inspiration, de la matière à réflexion, et que ça vous aura donné envie d’explorer ce vaste sujet. Et enfin, on espère aussi que vous aurez eu plaisir à l’écouter.

Merci à vous, et bonnes explorations !

Session présentée par:

  • Joan D

Ressources mentionnées: