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[PPWC22] Lieu sûr et innerspace, chantier perpétuel par Joan&

Transcription:

Bonjour, je m’appelle Joan, j’ai 32 ans, j’habite en France. On est un système où on a pris conscience depuis 2020 de la multiplicité. On se considère comme ayant un TDI, mais voilà. Nos pronoms c’est plutôt masculin pluriel, mais parfois on parle au singulier masculin ou féminin, ça arrive. On est des copains d’Epsi et Kara. Là, on fait de façon anonyme, parce que c’est plus confortable pour nous et par rapport aux autres humains, qu’ils nous voient pas avec notre vraie tête, tout ça. Là, on est pairs aidants en santé mentale. Donc on soutient des gens qui ont des troubles psys et en gros, on partage notre expérience, un peu des outils qu’on a pu utiliser, des trucs sur le rétablissement et ce que ça fait. C’est plus facile, souvent, de discuter avec quelqu’un qui a une expérience qui est la même, un peu, que quand c’est avec des médecins. Mais du coup, moi je travaille dans un hôpital, je suis un peu infiltré, en psychiatrie, pour faire que ce soit moins pire pour les autres, pour que les soins soient moins horribles pour les autres qui les vivent/subissent.

Que ça s’est passé pour moi, parce que ça a été vraiment pas super. Les premières fois à l’hôpital ou suivi en psychiatrie, c’était en 2006 et alors, j’avais 16 ans et l’hôpital ça a pu être vraiment pas super, genre vraiment.
Là je vais parler de trucs de médicaments et de violences, un peu médical, donc il y aura le timing ou faut revenir un peu plus tard.

De faire qu’on est dans la chambre d’isolement ou qu’on est contentionnés pour des trucs que c’est pas, enfin, c’est jamais légitime de nous contentionner ou nous mettre en isolement, mais y avait clairement pas de risques de violence contre quelqu’un ou nous mêmes, c’est juste parce qu’on était pas d’accord de prendre les médicaments ou qu’on nous dit on fait semblant de, enfin, qu’on fantasme des trucs de trauma ou
alors, qu’on ne veut pas aller mieux, qu’on fait aucun effort et qu’on nous oblige à rester dans l’hôpital, alors qu’on était venus de nous mêmes. Et beaucoup qu’on nous shoote beaucoup beaucoup aux médicaments et voilà, ça c’est les trucs que c’est pas le plus plus difficile, mais du coup, y avait ça. Et ça fait, on a fait un peu arrêté les études en partie, tout ça et voilà. Donc là, on a 32 ans et on a eu plein les diags différents, donc assez tôt, c’était le premier diag, quand on était tout jeunes, c’était trouble borderline et puis après, y a eu bipolarité et puis y a eu schizophrénie et un peu plus tard, genre vraiment plus tard, 6 ans après la première hospitalisation, ils se sont dit « Peut-être y a des traumas, mais bon… » Donc j’ai vu le premier psy, un peu spécialisé dedans, qui était pas ouf, mais c’était déjà ça, qu’il dise « Ouh là là, peut-être les traumas. » Et après, on a rencontré un peu les gens, sur

Twitter et compagnie, aussi. Et donc, y a eu pair diag autiste/autodiag. Et puis,

y a eu, y a pas très longtemps, diag TDAH et y a diag trouble dissociatif de l’identité, donc on sait depuis 2020, enfin,
le premier confinement, où c’était pas la teuf du slip. Je pense on était pas les seuls à ce que ce soit au moment-là, mais avant 2020, on était déjà multiples et on avait déjà cherché des stratégies, qui étaient autour, un peu, du lieu sûr et de l’innerworld. Et du coup, y a des trucs qui ont fonctionné,
ou pas, et comment est-ce que, un peu, on peut donner les trucs et astuces, aujourd’hui, pour dire comment est-ce qu’on a réussit, un peu, à faire des lieux sûrs et ensuite, construire l’innerworld. Et nous, on est plutôt architectes dans d’autres systèmes, alors que pour d’autres systèmes, c’est différent. Du coup, le premier lieu sûr, on l’a construit, donc sans être

conscients de la multiplicité, avec un psy qui était plutôt « spécialisé » dans les traumas, donc en 2013. (« Spécialisé » , mais pas forcément tout à fait au point non plus). Donc l’idée, c’était d’avoir un lieu, où, quand on était pas en forme du tout, on puisse se sentir en sécurité. Et aussi, en fait, de s’entraîner à utiliser ce lieu, dans des moments où ça allait bien, pour que ce soit naturel d’y aller quand ça commence à pas être super. Et donc là, c’était vraiment une construction. Donc, comment est-ce qu’on peut faire, finalement, un lieu sûr. Donc l’idée, c’est de réfléchir à un lieu : Est-ce que c’est un lieu que je connais déjà ou pas, en fait ?
Risque de « Je connais déjà » : Là, y a l’image d’un endroit que je connaissais déjà, mais où y avait eu des éléments positifs, mais aussi où y a eu des souvenirs bof, je me suis rendu compte plus tard. Et finalement, c’était pas une bonne idée de mettre l’endroit là, parce que y a eu un peu des intrusions de gros méchants, à l’intérieur.

Même si j’avais Super Sully (de dessins animés), à l’intérieur. Et parfois, y a la question de « Est-ce que c’est bien ou pas d’intégrer une personne extérieure dans un inner ou dans un lieu sûr ? » Je sais pas, ça dépend un peu de chacun, c’est si on est sûrs d’être en sécurité avec, ok. En tout cas, Sully est en images de dessins animés, avec des poils et tout duveteux, et on se sentait bien d’avoir, pour s’allonger avec dans l’herbe, en sécurité, c’était pas mal. Il y a le lieu, dans l’idée aussi, où on peut l’élargir, l’agrandir, qu’est-ce qu’on pourrait mettre en plus dedans, est-ce qu’on fait que de base y a un plan d’eau, une montagne, et tout, et il faut pas que ce soit trop étriqué si on pense élargir. En tout cas, ça peut servir. Et puis, sans que ce soit forcément lié aux règles terrestres de pesanteur, c’est ok que ce soit différent, que ça flotte dans l’espace, que ce soit dans un truc imaginaire, qu’enfin voilà. Là, c’est comment nous on réfléchit. Et du coup, pour le construire, c’est ok aussi de s’inspirer d’images, de magazines, et du coup, de réfléchir « C’est quoi les sens que j’ai besoin pour me sentir bien ou à l’intérieur ? » Ca veut pas dire qu’ils sont tous mobilisés une fois qu’on est dedans. Par exemple, moi, j’ai pas la notion de son, ça existe pas dans l’inner, à part un peu quand on discute, mais j’ai jamais eu le bruit des vagues, alors qu’y a la mer à côté, le bruit de quelqu’un qui tombe, et tout. C’est juste quand on se parle que ça sert à quelque chose. Mais, « Est-ce que je veux quelque chose de doux ? » Genre un coussin, un truc moelleux, « Est-ce que j’ai besoin qu’il y ait un truc avec une odeur que j’aime bien ? » Par exemple, se dire

qu’y a toujours l’odeur d’herbe mouillé, ou d’un chocolat chaud, ou qui est- Désolé, je parle beaucoup de trucs à manger, mais dans un coin, y a toujours du chocolat ou des clémentines, parce que ça fait du bien de les manger, qu’il y a le crépitement du feu, qu’il y a des jolies choses dedans, etc. Et donc, pour le représenter, nous c’est confortable par dessin, pour nous, mais c’est aussi ok, par exemple, sur Minecraft. Donc voilà, juste construire, comme là on voit une maison sur Minecraft, sans que ce soit forcément une maison, on est d’accord, mais voilà. Dans les Sims, si c’est quelque chose aussi de terrestre. Et puis, on peut faire des collages. Et puis, là vous pouvez aussi, on peut voir sous plusieurs angles les choses, donc ce sera pas forcément une table ou un canapé, mais on peut voir d’en haut, de comme si on était à l’intérieur et finalement, ça peut être juste aussi en espace un peu de réunions, de discussions.
On se met à l’intérieur de l’inner, mais ça peut juste être aussi « Ok, on est plusieurs, on veut discuter, il faut un truc visuel pour qu’on soit à l’aise de discuter, donc là, y a canapé,
table, de dessus, de dessous. » Ou, on peut se dire, soit on met un post-it, soit telle personne est là ou pas. Ca peut être facile, vraiment, de trouver des images, comme celles qui sont représentées, genre, vous voulez plutôt un canapé bleu, une table en verre ou voilà, pour discuter. Ca peut être d’autres trucs, vous en trouvez facilement sur Pngegg, je l’ai montré dessus. Et il y a aussi, là comme image, une maison, avec le petit post-it, donc si vous avez dessiné un lieu avec paint ou que sais-je,
s’il est imprimé, c’est possible aussi de mettre le post-it dessus pour se repérer qui est dedans ou pas. Et à l’idée de réfléchir à qu’est-ce qui est
sécurisant et plus confortable pour soi, donc en conscience et peut-être réfléchir, presque avant. Pour dans ce lieu, donc lieu sûr ou inner, ou voilà, y a la question de « Est-ce que je connais déjà cet endroit ou est-ce qu’il est imaginaire ?
Est-ce qu’il y a plus de risques qu’il y ait un méchant (Je dis « un méchant », genre mode « intrusion, quelque chose de pas agréable qui se passe dedans »), qui vienne ? » Et, ça marche pas forcément, le fait même de créer un espace ou de choisir un lieu existant. C’est, finalement, c’est quoi qui peut faire, en dehors de la création du lieu sûr, donc soit en thérapie, en entraide avec ses pairs, tout ça, c’est important d’avoir d’autres choses à côté du lieu sûr, de l’inner, pour qu’il fonctionne, en fait. Sinon, effectivement, il y a risque d’intrusion.

J’ai une amie pour qui ça n’a pas marché du tout, même anti intrusion de ouf, parce qu’en fait, elle n’était pas tout à fait prête. Elle avait construit un lieu sûr, où en fait elle était, il y avait des énormes murs autours, et le méchant, il arrivait à grimper au dessus des murs, et du coup, elle était coincée au milieu. Donc ça marche pas forcément et c’est important, de se dire, est-ce qu’on a conscience ou pas de ce qui est déclenchant, et de c’est quoi ses limites, ses besoins, tout ça. En fait, de réfléchir à l’avance, parce que c’est pas forcément toujours le moment de faire un lieu sûr. Par contre, comme on a vu avec le canapé, de hauts, de bas, finalement, on peut mettre des post-it, pour simplifier la communication. Ce qui est différent d’un lieu sûr ou d’un inner, parce qu’on est plutôt à l’extérieur et on a un support visuel, qui peut aider à la communication. Ensuite, on a changé de lieu sûr, par rapport à la première version, on a changé de psy depuis, aussi. Et donc, avec la psy actuelle, qui est chouette, c’était un moment où on avait pas encore conscience de notre multiplicité, même si notre psy, oui. Et du coup, maintenant c’est devenu une annexe, mais on a été accompagnés par la psy, pour la construire, et juste pour moi, du coup (Enfin, je sais pas, on part du principe que c’est Joan qui parle, même si on participe un peu tous, là), mais du coup,

c’était aussi dans un endroit connu, mais avec des souvenirs positifs et c’était dans un moment où on allait un peu mieux, on avait plus conscience de ce qui pouvait être compliqué et plus simple. Mais cette cabane, elle n’existait pas dans ce lieu, c’est une plage, dans un endroit chouette, tout ça, mais on a construit la cabane et j’étais « De quoi y a besoin à l’interieur ? » Et donc cette construction et ce lieu sûr, même si c’est pas l’actuel, tout ça, ça nous a aidés à nous centrer sur nos ressentis, donc les cinq sens, mais aussi des trucs de angoisser ou pas, avoir nos besoins et d’avoir un endroit où on se
sente en sécurité, si on a besoin d’y aller. Et encore une fois, c’est bien de s’entraîner quand on va relativement bien, à utiliser le lieux sûr, pour que ce soit plus simple, quand ça va pas, de pouvoir l’utiliser. Et pouf ! Y a eu la prise de conscience de notre multiplicité. Ca fait à peu près deux
ans. Du coup, après la prise de conscience de notre multiplicité, il a fallu agrandir cette cabane, pour qu’il y ait de la place pour nous tous, nous toutes. Avant c’était juste Joan qui allait dans le lieu sûr, dans les cabanes. Y a pas du tout de conscience qu’il se passe quelque chose dans l’inner, ni de visualisation pour Joan,

quand il front. Et il s’y passe rien de particulier, genre, nous, il nous voit pas qu’on bouge, on va dans un endroit, tout ça. C’est vraiment que « il s’occupe de nous quand il est là ». Alors, voila, sinon il nous voit pas spécialement, et tout et tout. Et du coup, elle évolue, elle s’agrandit aussi en fonction des besoins de chacun chacune, donc on voit que c’est plutôt des trucs pour les petits au premier étage. Voilà, donc on rajoute des objets, parfois, du coup, on doit faire de la place. Les espaces, sinon, ils sont à peu près au même endroit, là on agrandit plus, on fait plus de poses, mais une fois quand un objet est posé quelque part, normalement, il bouge pas, sauf quand il faut le bouger pour ajouter un nouvel objet. Et pour les objets, y a la nature de l’objet. Par exemple, il faut un tipi, mais à l’intérieur du groupe y en a qui veulent des trucs canons, qu’elles trouvent canons en tout cas, ou par exemple, le tipi, il faut qu’il soit bleu, avec le dessus en velours, avec tel petit ruban pour l’ouverture, avec tel plaid et tel coussin à l’intérieur, etc. Du coup, là maintenant, on est surtout dans de la déco, même si à chaque installation de nouvel
objet, le critère, enfin tous les objets sont ok, le critère, c’est : Faut que ce soit beau, voilà. Bref, et finalement, c’est devenu un espace de communication, en fait. Moi, donc Joan, j’ai l’impression de voir de l’extérieur, donc un peu comme c’est représenté, comme si vous étiez en train de voir l’image, en fait, un peu comme une maison de poupée. Et moi, en fait, je peux pas aller dedans, mais tous les autres toutes les autres du groupe peuvent y aller, mais ne peuvent pas avoir ce point de vue là. C’est un peu en mode colonie de vacances et y a un sympa animateur ou animatrice, qui vient pour gérer un peu le groupe. En fait, c’est arrivé pas mal, l’importance de cet inner, par rapport à la problématique des fronts au travail, avec les littles qui squattent, une ado qui est vener contre le chef (Et en fait, il faut pas taper sur la gueule du chef, c’est pas ok de faire ça). Et où au début, c’était un papier, avec : On met les post-it dessus, donc ok, « Toi, là, je vais être au travail, tu
pourras venir ce soir, en attendant, tu veux aller où ? »

Par exemple, c’était dans le hamac, etc. Et en disant bien qu’à telle heure, je revenais, mais que là,

hop, tout le monde dans l’inner, c’est parti !
Parce que c’est pas forcément simple pour tout le monde du groupe, ni naturel, d’être à l’intérieur. Et pour moi, c’était pas forcément facile de me représenter le fait de dire aux hôtes d’être dedans, de les aider à s’installer à l’intérieur, donc voilà, j’avais ce support papier, j’arrivais dix minutes en avance au travail et on organisait qui allait être présent, ou pas, et ceux qui étaient pas présents et celles qui étaient pas présentes, où est-ce qu’on se positionne à l’intérieur dans l’inner ? C’était principalement parce que, à cette époque, j’avais du mal à garder le front à certains moments. Ca peut toujours être le cas, mais c’est moins handicapant. C’est plutôt moi qui m’occupe de coordonner, d’avoir ce rôle de gestion un peu de l’espace, qui propose de dispatcher en fonction des lieux. Et puis parfois, y en a du groupe qui vont pas forcément trop bien et qui ont besoin de trouver une place confortable à l’intérieur, donc qui, en gros, me demandent du soutien, ou m’appellent un peu et me font sentir que ça va pas trop. Et alors, je les aide à se placer dans un endroit qui leur convient le mieux, en demandant qu’est-ce qui leur ferait du bien et en rappelant qu’il y a des trucs qui kiffent et par exemple, il peut y en avoir deux qui se mettent ensemble en boule dans le tipi. Ca nous apporte, en fait, de faire ça, donc de trouver une place, l’accès à des sensations physiques, avec le fait que, en fait, généralement, moi, Joan,
je m’occupe principalement plutôt d’une ou deux personnes à l’intérieur, donc de deux qui vont pas trop bien ou d’un qui soutient l’autre, et tout,

quand y a un appel à « Coucou, ça va pas », formulé verbalement ou pas. Et en fait, ça permet d’avoir accès aux sensations physiques, avec l’idée que les sensations de l’inner, elles soient ressenties dans le corps, comme par exemple, être prit dans les bras, casser des choses. Et en fait, que ce soit des trucs positifs, qui puissent aider, au moins là, celles ceux qui vont bof/bien. Du coup, pour conclure, on tient, en fait, à dire qu’il y a pas d’obligation, finalement, d’avoir un inner, pour être légitime à être multiple, c’est pas obligatoire. Et puis c’est pas forcément naturel et que tout le monde gère pas son système de la même façon que moi, ou la création, etc. Parce que j’ai fait beaucoup de dessins, je visualise bien, ce qui m’aide beaucoup dans ce travail-là de inner, lieux sûrs, tout ça. Mais en fait, c’est possible de trouver d’autres façons de faire, qui sont plus adaptées, parce que chaque système a des possibilités, des besoins spécifiques et des envies aussi spécifiques. Et puis surtout, en fait, il faut pas avoir peur « d’inventer », finalement, entre guillemets, de créer des espaces dans son inner et ça veut pas dire qu’on invente la multiplicité. Je fais pas semblant d’être multiple (même si parfois, j’ai l’impression), en fabriquant l’inner, en agrandissant une cabane et finalement, ayant pas naturellement une cabane, mais l’ayant fabriquée, parce que, parce que ça aidait, quoi. Et ça aide. Et l’idée, en fait, c’est juste que vous créez des espaces

sûrs ou de communication, pour vous, et tant que ça vous aide, c’est cool, et voilà. Et du coup, toutes les expériences, elles sont légitimes et c’est ok de commencer par tout petit, ça peut rester tout petit, ça peut devenir plus gros. Et ça peut être avec un bout de papier, un truc

gribouillé dessus ou avec une immense sculpture ou de le ressentir à l’intérieur, de le vivre de l’extérieur, etc. Et comme toutes ces expériences d’inner, elles sont légitimes, par exemple, y a Epsi, qui a un vécu différent du notre.

Et merci beaucoup de nous avoir écoutés et à bientôt !