La question qui brûle les lèvres, c’est comment se développe le trouble dissociatif de l’identité ? J’ai survolé le sujet dans l’article Pour mieux comprendre le TDI (partie 1/2) mais je vais à présent entrer dans les détails en te parlant de la dissociation structurelle. Place aux explications.

La question qui brûle les lèvres, c’est comment se développe le trouble dissociatif de l’identité ? J’ai survolé le sujet dans l’article Pour mieux comprendre le TDI (partie 1/2) mais je vais à présent entrer dans les détails en te parlant de la dissociation structurelle. Place aux explications.

DISCLAIMER: cet article est ancien. Bien que la théorie de la dissociation structurelle apporte des idées et des notions intéressantes, elle ne constitue pas une vérité universelle ni l’aboutissement des recherches sur le TDI et les troubles dissociatifs ou d’origine traumatique. Elle comporte aussi des incohérences. Pour plus d’informations, consultez cet article qui développe une explication plus complète de cette théorie ainsi que de ses bons et mauvais côtés.

Si vous n’avez jamais entendu parler de dissociation structurelle, vous êtes au bon endroit pour en apprendre plus. Il s’agit de la théorie la plus répandue parmi les spécialistes qui ont fait des recherches sur les troubles d’origine traumatique et les troubles dissociatifs. « Les troubles dissociatifs » ? Y en d’autres ? Eh bien oui ! Et j’en ferai un article spécifique d’ailleurs, mais avant, parlons de leur origine : la dissociation.

Information avant de commencer : la dissociation structurelle est la seule théorie accessible en français, elle vient du livre « Le soi hanté ». Nous parlerons du concept de la dissociation structurelle en lui-même et pas du suivi thérapeutique conseillé par les auteur·ices du livre. (En effet, celleux-ci n’évoquent que la thérapie d’intégration à terme, sans considérer la thérapie d’harmonisation comme envisageable à long terme.)

Traumatisme et dissociation en réponse au stress

Si je devais donner une définition la plus basique possible de la dissociation, je dirais que c’est le fait de se désolidariser de l’instant présent, de l’ « ici et maintenant ». Et vous savez quoi ? Dans sa forme de base, la dissociation est tout à fait banale.
C’est quand, par exemple, vous êtes en voiture et que vous arrivez à destination avec cette impression de ne pas avoir vu le trajet défiler ou le temps passer, parce que vous étiez complètement dans vos pensées. Ou encore, vous voyez quand vous scrollez Facebook négligemment sans vraiment faire gaffe à ce que vous faites pendant de longues minutes (ou longues heures d’ailleurs) ? C’est aussi une forme de dissociation, vous vous « déconnectez » de vos sensations (vue, ouïe, …) ou de vos sentiments, vous n’êtes concentré·es sur/conscient·es de l’instant présent. C’est très courant, pour tout le monde (sinon, la méditation pleine conscience n’existerait pas ^^).
Mais il faut savoir que la dissociation, ça se place sur une sorte de spectre, avec d’un côté, ce fait de caler en voiture, et de l’autre, le trouble dissociatif de l’identité (et entre, il y a les autres troubles d’origine traumatique). Alors revenons au sujet, ce qui nous intéresse, c’est quand la dissociation devient un symptôme, notamment suite à un traumatisme. Explications.

Pour que vous compreniez mieux, je vais reparler de ce qu’il se passe durant un traumatisme. Quand le cerveau perçoit une agression, il prépare automatiquement le corps à réagir : l’amygdale (qui perçoit les émotions et les menaces) libère notamment des hormones (adrénaline par exemple) et active les muscles, la respiration, le rythme cardiaque pour… fuir, tout simplement (ou agresser, mais la fuite reste en principe le premier réflex).
Mais quand la fuite est impossible, ce processus entre en surchauffe et provoque un état de sidération, la personne ne peut plus réagir (ni bouger, ni parler, ni rien du tout, il n’y a plus qu’un stress intense). Pour éviter que cette surchauffe ne cause un arrêt cardiaque, le cerveau court-circuite ce mécanisme et isole l’amygdale, ce qui stoppe la production d’hormones et coupe la personne de ses sensations et/ou émotions. Il s’agit là de dissociation, la personne n’est plus en contact avec l’instant présent, elle n’est plus connectée à ce qu’il se passe, comme si elle était en dehors de son corps.
Dans ce cas, la dissociation est un processus qui permet de rester en vie MAIS en contrepartie, les souvenirs de l’agression restent bloqués dans l’amygdale et ne sont pas correctement traités et analysés par le cerveau. Cette mauvaise gestion du souvenir cause alors un stress post-traumatique, voire un trouble de stress post-traumatique. Tous ces mécanismes peuvent avoir lieu en quelques secondes.

Vous pensez bien que ce type de dissociation se place donc plus loin que le fait de caler en voiture sur le spectre dont je vous parlais tout à l’heure. Et plus il y a de traumatismes, plus ils sont répétés ou vécus à un âge jeune, plus la dissociation avance sur le spectre et plus le risque de développer un trouble d’origine traumatique (ou plusieurs) augmente.

Définition de traumatisme

Parce que je trouve ça essentiel, je vais quand même préciser que les traumatismes ne concernent pas uniquement les plus communément admis en termes de gravité par la société. Un traumatisme est avant tout un stress intense, un choc émotionnel violent, et il dépend évidemment de la sensibilité de la personne qui le subit. Ce qui traumatisera quelqu’un·e ne traumatisera pas quelqu’un·e d’autre et inversement. Et ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de réel risque imminent de mort (et surtout, de besoin de fuite) que le cerveau ne l’interprète pas comme tel et ne dissocie pas. Pour ces raisons, il est selon moi impossible de quantifier (avec un œil extérieur) la gravité d’un traumatisme.

Dissociation structurelle et Partie Apparemment Normale (PAN)/Partie Émotionnelle (PE)

Dans la théorie expliquée ici, le spectre dont je vous parle depuis tout à l’heure, quand il commence à causer des troubles d’origine traumatique, porte un nom : la dissociation structurelle.

Une personne qui n’a pas de symptômes dissociatifs est « entière », on dit qu’elle est intégrée. C’est-à-dire que sa personnalité est complète et cohésive, son sens du soi est cohérent, elle est une identité unique pour répondre à tous ses besoins.
Mais lorsqu’il y a un trouble d’origine traumatique, ce n’est pas le cas. La personne est comme divisée en deux types de parties : la Partie Apparemment Normale (PAN) et la Partie Émotionnelle (PE). Je vous définis ces deux termes brièvement.

La PAN, comme son nom l’indique, est apparemment normale. Elle gère la vie de tous les jours, les besoins physiologiques, les interactions, le travail, etc… Elle permet à la personne de fonctionner, un peu comme si de rien n’était. Elle est consciente du présent mais peut, au moins en parties ou temporairement, être déconnectée de tout ou d’une partie de ses émotions et/ou sensations.
La PE, de son côté, garde les matériaux traumatiques (souvenirs mais aussi perceptions, réponses apprises, …) et réagit si quelque chose vient stimuler directement ou indirectement ces matériaux. Elle n’est pas réellement consciente ou connectée au présent et elle est souvent moins développée que la PAN.

Tout à l’heure, je vous parlais des souvenirs traumatiques que le cerveau ne traite pas ou pas bien parce qu’ils restent bloqués dans l’amygdale, vous vous en souvenez ? Eh bien, lorsque cela se produit, le cerveau peut ne pas intégrer le souvenir au reste de l’identité de la personne. C’est alors que se forme une PE, tandis que le reste de la personnalité de la personne forme la PAN. C’est comme ça que se développe un trouble d’origine traumatique, comme un trouble de stress post-traumatique par exemple (c’est le début du spectre de la dissociation structurelle, si vous avez tout suivi ^^).

La PE peut venir perturber la PAN de façon passive (avec des flashbacks visuels, physiques ou émotionnels par exemple) ou la remplacer temporairement (crise de panique, réaction défensive physique ou verbale, etc…).

Je pourrais faire un article dédié à définir les PANs et les PEs, c’est tout un sujet en soi, mais pour en donner un résumé concis et personnel, je dirais que la PAN « agit » tandis que la PE « réagit ».

Notez que je ne parle pas encore de TDI, ici la PAN et la PE ne sont pas des alters. J’en parlerai dans l’article suivant, vous inquiétez pas 🙂