Suite de notre série de vidéo sur les relations en tant que personne multiple, on parle cette fois-ci des relations amicales (avec des personnes singlets ou multiples) !

Suite de notre série de vidéo sur les relations en tant que personne multiple, on parle cette fois-ci des relations amicales (avec des personnes singlets ou multiples) !

[Kara] Bonjour et bienvenue dans cette nouvelle vidéo de Partielles. Aujourd’hui, on a envie de continuer notre série de vidéos à propos des relations où, à chaque vidéo, on parle un peu plus spécifiquement d’un type de relation et aujourd’hui, on a envie de vous parler des relations amicales. Et pour ça, on s’est dit que ça pouvait peut-être être cool de discuter un peu des différentes… j’allais dire des différentes sortes d’amitié qu’on a mais c’est un peu bizarre dit comme ça, mais genre de comment on gère les amitiés avec les différentes personnes. Est-ce qu’on a des amis et est-ce qu’on réagit différemment avec nos amis singlets qu’avec nos amis multiples? Est-ce qu’il y a une différence entre des amis qu’on connaitrait de très longue date ou de nouveaux amis? Etc. On va sûrement, dans la discussion, reparler aussi un peu de tout ce moment, de quand est-ce qu’il faut le dire? Est-ce qu’il faut le dire? Et toutes ces notions de coming out. Et pour ce sujet plus spécifiquement, je vous renvoie à la playlist sur le coming out qu’on a fait il y a quelques temps déjà, elle sera en description. Est-ce que tu veux nous parler de tes amis, Epsi?

[Epsi] Mes quoi? [rires] J’ai assez peu d’amis. Et j’ai une relation à l’amitié qui n’est pas très existante en fait. C’est comme ça depuis longtemps. À l’adolescence, j’avais un peu plus d’amis, mais c’était plus… Je ne sais pas. C’était plus spontané, mais ce n’était pas forcément plus fort comme amitiés. Avec le temps, je pense qu’une partie de ce qui a joué, c’est que j’ai été dans une relation qui était assez isolante en termes de relations extérieures, avec une personne qui n’aimait pas que j’aie des amis, parce que… c’était une relation toxique hein bon. Et donc ça a joué sur le fait que je reste beaucoup seule et que je sois beaucoup isolée et que je parle assez peu à des gens vu que ça m’amenait des soucis. Et depuis, c’est évidemment plus du tout le cas. Je peux avoir autant d’amis que je veux, mais c’est pas quelque chose qui se développe naturellement chez moi. J’ai des relations, j’ai des contacts, je parle avec des gens régulièrement, mais je ne me fais pas “des amis”.

[K] [rire] Tous nos amis en PLS, tu vois? Qui sont là genre “mais…”.

[E] Mais oui mais non mais voilà. [rire] Je me fais pas d’amis et j’entretiens pas les relations en fait. Les amis que j’ai, c’est principalement grâce à toi. J’ai une amie qui est plus proche de moi que de toi et à part ça, c’est tout. Mais ce n’est pas du tout de la faute de la personne, des personnes, et ce n’est pas non plus que je les considère pas ou des trucs comme ça. C’est s’il y a besoin de moi, il n’y a pas de souci. Mais je ne sais pas entretenir une amitié. Je ne sais pas ce que c’est d’entretenir une amitié, vraiment. Je pense que ça a un lien avec l’autisme et je pense que le lien que je peux faire avec la multiplicité, c’est que vu qu’on est des alters très séparés, j’ai des alters qui sont beaucoup plus amicaux et qui sont beaucoup plus à nouer ce genre de liens, mais c’est séparé de moi. Et du coup je ne sais pas entretenir la relation comme ces alters-là le font. Mais ce n’est pas une question d’attachement, même si j’ai des alters qui s’en fichent mais qui considèrent peu l’extérieur déjà de base et qui du coup bah voilà, ça ne veut pas dire qu’il y aurait des soucis, juste t’es là, t’es pas là, ça change rien à ma vie, j’ai des alters comme ça. Mais oui, ma notion, mes liens en fait, c’est assez inexistant par rapport à la moyenne des gens je pense.

[K] Je trouve que c’est cool d’en parler parce que je pense que quand on pense aux amitiés des personnes multiples justement, on peut se dire “ah bah du coup, c’est plein de groupes d’amis différents et tous les alters qui ont des amis qui ne sont pas les mêmes” et des trucs comme ça. Alors que ben dans ton cas c’est plutôt l’inverse. C’est vu que les personnes qui seraient plus capables d’entretenir des relations sont pas là la majorité du temps parce que t’es pas singlet, eh bah juste, ça te fait moins d’interactions.

[E] Oui.

[K] Et pas plus.

[E] Non. Par contre, ouais, à l’adolescence, il y avait un peu deux groupes d’amis, ça oui, mais parce que deux groupes de vie en fait. Mais c’est plus le cas. Et c’est clair qu’en fonction, vu que, en fonction des périodes de vie, ça n’a pas été forcément les mêmes alters qui étaient là le plus souvent, je me sens pas de connexion avec des gens qui ont noué des relations plutôt avec des alters qui étaient là avant. Je pense par exemple à Enochi, qui est restée là pendant une dizaine d’années et qui a eu beaucoup, enfin, qui a eu des relations sociales, même si c’était mal vu par la relation qu’on avait, elle se sent plus concernée que moi, qui suis là genre oui, c’est des gens que j’ai connus. [rire] Voilà. Mais j’ai du mal à définir l’amitié, tu vois? Parce que de ce que je vois, mais ça, je pense que c’est l’autisme qui fait hein, de ce que je vois, c’est des gens en qui t’as confiance, à qui tu te confies, à qui tu rends service et inversement, qui se confie à toi, on échange des conseils et des trucs comme ça. Et je peux pas dire que c’est pas le cas. Mais je ne vais pas le chercher. Je peux le donner, mais je ne vais pas le chercher. Et je peux le donner euh… quand je réponds. [rires] Il y a un peu des memes comme ça que je partage sur mon Facebook des fois, qui disent “je ferais tout pour mes amis, sauf répondre à leurs messages”. [rires] Alors que je noue mes amitiés à l’écrit. Mais j’ai vraiment plus facile à ce que tu noues une relation avec quelqu’un, que j’écoute et que je réponde de temps en temps et que petit à petit, juste, ça se fasse dans la discrétion et que ça existe mais que juste ce soit un non-sujet. Voilà.

[K] C’est ce qui fait que, en partie, je pense que les gens pensent qu’un truc de toi c’est waouh!

[E] Oui.

[K] Tu vois?

[E] Oui, vu que je dis jamais rien…

[K] C’est ça. Quand tu dis un truc gentil, les gens, ils pensent que c’est genre “ah!”, genre tu les kiffes trop.

[E] Eh ouais. Et je sais qu’il y a des gens qui valorisent énormément l’amitié et tout, et vraiment il y a cette notion de confiance, mais moi je sais que montrer mes émotions, déjà de base, c’est pas simple, même devant toi, mais même devant des amis, je saurais pas. C’est compliqué de me montrer vulnérable avec des amis. D’ailleurs, je dis “vulnérable” alors que globalement, ressentir quelque chose, c’est pas “être vulnérable”.

[K] Certes.

[E] Mais c’est compliqué, vraiment. Mais ça ne vient pas de la personne, ce n’est pas sa faute.

[K] Non, parce que c’est comme ça avec tous.

[E] Oui, et vraiment, avec moi, si une personne fait partie de ma vie, même comme ça, même peut-être trop peu pour ses notions d’amitié, c’est déjà énorme pour moi. Parce que parle juste pas et je considère juste pas des gens avec qui je voudrais pas être amis, dans ma définition d’ami. [rire]

[K] Ok. Pour revenir à ce que tu disais sur les différents groupes d’amis, moi je ne peux pas vraiment avoir de truc aussi tranché, déjà parce qu’on est beaucoup moins divisés que vous et parce que, depuis ma prise de conscience, j’ai pas changé de vie en fait. Donc je peux pas dire “à certains moments, il y avait deux ou plusieurs groupes d’amis distincts avec des alters distincts”. Mais par contre, je pense qu’il y a toujours eu, et il y en a toujours d’ailleurs, des niveaux d’affinité différents. Genre je pense que l’ensemble de mon système – intéressé par les amitiés – aime tous mes amis. Mais genre tout le monde n’a pas la même besta. Et c’est beaucoup, beaucoup, beaucoup moins le cas depuis que je suis out, que ce soit à moi-même ou à mes amis, mais on en parlera après, parce que ça permet plus de variations et de sincérité. Mais avant, quand j’étais ado et même jeune adulte quoi, ouais. Je sais qu’il m’est arrivé de te le notifier et que ça te fasse rire. J’avais un peu une meilleure amie de boulot et une meilleure amie d’enfance. Eh bien moi, clairement, je préfère ma meilleure amie de boulot et Amy préfère ma meilleure amie d’enfance, tu vois? Je dirais pas qu’il y avait du désamour pour l’autre dans l’autre sens, mais il y a une moins bonne compatibilité. Du genre “je ne sais pas quoi faire de toute cette extraversion” dans un sens ou “de toute cette… mollesse”? Dans l’autre. Non, c’est vilain.

[E] Introversion. [rires]

[K] Voilà. Mais c’est beaucoup moins le cas maintenant. Parce que vu qu’on est nous plus clairs sur qui on est, on est aussi plus clairs sur ce qui est ok et ce qu’on recherche comme amitiés et ce qu’on “attend” un peu des gens et ce qu’ils peuvent attendre de nous. Il y a moins de variations et donc il y a moins d’embrouilles aussi. C’est un truc qui m’arrivait beaucoup ado, genre les gens, ils pensaient qu’ils pouvaient compter sur moi d’une certaine façon, mais la façon en question, elle n’était pas toujours la même. [rire] Il y a vraiment des gens qui disaient, du coup avant prise de conscience, mais du coup avant coming out aussi, vu que je leur avais pas dit que j’étais multiple vu que je le savais pas. Mais il y avait vraiment des trucs genre comme “ah qu’est-ce que t’as? Je pensais qu’on allait faire des trucs comiques et… t’es pas comique”.

[E] Et tu ne comprends pas l’humour aujourd’hui. [rires]

[K] C’est ça.

[E] Oui. “Tu voulais pas qu’on fasse du roller? Pourquoi tu restes assise dans mon canapé?” – “Parce que c’est ce que j’aime, tu ne veux pas qu’on regarde une série?” [rire] voilà. Et du coup, ben voilà. Et du coup, depuis ça, depuis que ces amitiés-là ont plutôt passées, depuis ma prise de conscience, on a une grande majorité de nos amis qui sont au courant de notre multiplicité. Ça ne s’est pas fait exactement à la même vitesse et pas, un peu, aussi facilement pour toustes. Genre, depuis la prise de conscience plus ou moins, même si c’était plus compliqué avant que maintenant, moi, ce que je me suis dit, c’est j’ai plus envie de nouer de nouvelles relations sans être out. Parce que autant le dire tout de suite quoi, autant cracher la pastille et si ça se passe mal, ben rompre ce lien naissant. Et ça fait moins de mal à tout le monde. Moi je m’attache pas à quelqu’un qui, en fait, ne peut pas accepter, la personne elle n’est pas super gênée après et de pas savoir comment agir à nouveau. Donc ça, c’est vraiment – et je ne pense pas que ce soit une obligation mais moi, mon choix, dans la vie que j’ai, qui est une vie où ça touche pas du tout à ma sécurité quoi, je suis pas obligé d’avoir des groupes de fréquentations par exemple à l’école ou au travail. Ben ouais moi, c’est vraiment ce que je veux, je m’imagine pas ne pas le dire. Pas spécialement à la première rencontre, mais si on est en train de créer quelque chose et de devenir amis, ouais je pense que je tâterais le terrain d’abord et puis que je le dirais. Il s’avère que ce n’est pas encore arrivé avec des personnes singlets depuis. J’ai que dû m’outer à des nouvelles relations multiples. Parce que rien que parce qu’on fait sur Internet, c’est clair qu’on fréquente beaucoup de multiples. Et du coup, voilà. Mais ça n’a pas toujours été facile, hein. Les premières fois, enfin je dis les premières fois, mais en fait, il y a eu une espèce de charnière où ce n’était pas si clair que j’étais multiple sur Partielles et où c’était un peu évasif comme propos et où du coup, je devais quand même faire un vrai coming out, même pour des gens qui me connaissaient de Partielles. Et ça, c’était un peu compliqué. Et vraiment les premières personnes à qui j’ai dû dire que j’étais multiple, c’était tendu, ça me mettait pas à l’aise. Mais au final, ça s’est toujours bien passé avec les personnes multiples. Et voilà. Et puis du coup, avec des nouvelles personnes singlets, y en a pas à qui j’ai dû le dire moi-même. Mais y a… Y a peut-être plus d’une personne en fait, mais il y a au moins une personne à laquelle je pense, qui est quelqu’un qui savait, à qui j’ai dit “oui, vas y, tu peux le dire”, genre “tu peux le dire à ta meuf” quoi. Et ça, vraiment, moi je trouve que c’est ok. C’était dur, c’était stressant, mais maintenant que je l’ai fait deux ou trois fois, ça me stresse plus. Dire que je suis multiple à des gens multiples, enfin en même temps, c’est tellement ok, tout le monde sait tellement que je le suis, enfin…

[E] Oui, c’est mignon, il y a des moments où t’as fait des coming out à des gens qui connaissent Partielles et qui ont dit “ah mais c’était pas- il y avait un doute là-dessus?” [rire].

[K] Oui, c’est ça et…

[E] Tu vois, des gens qui se sont jamais posé la question de penser que t’étais singlet. [rire]

[K] C’était un peu le “ben oui, on le dit pas clairement hein, on fait des phrases bizarres pour pas le dire”. Eh puis les relations d’avant, ça, c’est compliqué. C’est vraiment compliqué et je pense que c’est d’autant plus compliqué qu’on n’est pas très heureux d’être différenciés. Je pense que si on était un système qui a besoin d’être nommé en nous-mêmes pour se sentir bien, et bien je pense que ce serait différent, que ça mettrait dans une balance plus de raisons de le dire, même aux anciennes relations, parce que ne pas le dire provoquerait de l’inconfort profond. Que là, ne pas le dire aux anciennes relations, ce que ça provoque, c’est juste faire attention à pas dire “nous” ou enfin des trucs comme com avec des inconnus. C’est des petits détails, c’est pas très grave, ça ne va pas toucher à mon identité parce que dans mon système, on n’a pas de bonheur à être différenciés. Et du coup, ça oui, ça reste vraiment un questionnement que je mets en balance quoi. Qu’est-ce qui me ferait le plus de mal entre continuer à masquer et avoir l’air singlet ou prendre le risque de perdre cette amitié si ça se passe mal? Et vu que masquer, ça me coûte pas très cher dans ce contexte, tout en sachant que mes amis singlets sont quand même des personnes avec qui je masque pas la totalité, genre tout le monde sait que je suis autiste et bizarre et anxieux, et donc je masque juste l’aspect switch et différences d’alters, et donc c’est pas une grande part au final. Versus la peur de se prendre la tête, de perdre l’amitié et tout.

[E] Ouais et je trouve, un truc qui- Après voilà, moi si je perds l’amitié, je perds l’amitié mais comme je l’ai expliqué, ma notion de l’amitié est compliquée. Mais je trouve que ce qui est chiant, c’est plutôt avec les anciennes relations, la peur du jugement bienveillant ou en tout cas, des maladresses qui font mal. Tu vois du “ah beh j’avais rien vu”, mais oui c’est le concept… “Ah t’es sûre?”… Faut avoir un peu confiance en soi et en son système et tout, et en ses conscientisations et tout – alors que la légitimité, on le sait, c’est compliqué -, pour en parler et risquer de se prendre ça même si c’est pas malveillant.

[K] Et du coup, pendant super longtemps, j’avais vraiment deux amis, mes deux seuls amis singlets pour qui c’était pas le cas, qui sont restés en balance très longtemps du “non, je le dirai pas”. Et c’est toujours très comique hein, ces gens regardent Partielles de loin pour les deux et sont au courant pour la multiplicité d’Epsi mais pas pour la mienne, et ça aussi c’est un truc qui a été très long dans mon acceptation et dans ma capacité à le dire. C’était tout le monde est globalement au courant pour eux depuis toujours, parce qu’ils sont très visibles, parce qu’ils sont conscients depuis longtemps et du coup, j’avais vraiment ce truc qui disait “non, c’est trop, je peux pas, on ne va pas me croire, parce que pourquoi moi aussi?”. Et du coup, finalement, il y a une des deux personnes à qui, à qui on l’a dit. Enfin “on l’a dit”, à qui on a dit à Epsi “vas-y, fais-le parce que c’est stressant”. Et c’était y a genre, on ne sait pas exactement quand, genre presque un an et on en parle peu. Parce que j’ai dit à Epsi “dis-lui de faire comme si de rien n’était” [rire], Epsi lui a dit et vu que c’est un bon ami, il l’a fait et il n’a pas posé de questions. Et du coup, on en a peu parlé. Mais on a enregistré une vidéo avec cet ami pour avoir son avis de singlet pote avec des multiples, qui sortira peut-être soit à la suite de cette vidéo soit dans 15 jours, vous verrez bien. Et c’était très comique parce qu’il était genre “mais tu sais qu’on en a jamais reparlé?”, et j’étais là genre “oui…”. [rire] Et du coup c’est très mignon, je lui dis, enfin Epsi lui dit “mais du coup, si tu as des questions, vas-y, n’hésite pas”. Et ses questions, c’était trop mignon, c’était genre juste “est-ce que tu peux me faire une mini description de ton système?”, et j’étais là genre, “baah, je suis vraiment un monstre” [rires]. Je ne suis pas doué en coming out!

[E] Mais jamais hein.

[K] Non, de rien.

[E] Sur rien du tout.

[K] Rien. Rien. [silence] J’aime pas. Et l’autre, l’amie, je ne sais pas ce qui me retient hein, sincèrement. À part la peur de perdre la relation, mais je pense vraiment que ça passerait crème. J’ai pas de bons arguments pour ça. Elle est cool, elle est ouverte, elle est au courant pour plein de trucs. Mais non, j’y vais pas. Du coup, voilà. Du coup moi je suis vraiment- Epsi, c’est la personne qui ne peut pas vous juger si vous n’avez pas d’amis, et moi je suis la personne qui ne peut pas vous juger si vous ne faites pas de coming out. [rires] Après, dans l’absolu, on vous juge de rien. Et je pense vraiment que ben oui, enfin, moi, la façon dont j’ai choisi de gérer ça, c’est de mettre ça dans une balance. Et la balance de ce que ça m’apporte comme négatif est pas si grande; et de perdre la relation, c’est grand. Que toi qui n’as pas peur de perdre les relations, ça t’est arrivé de prendre le risque même si tu le sentais pas, et d’ailleurs ça ne s’est pas toujours bien passé. Ce qui moi ne m’est jamais arrivé. Moi, j’ai jamais fait de coming out à des gens qui comptent qui se sont mal passés, vu que si je suis pas sûr, je n’y vais pas. [rire]

[E] Si, moi oui du coup. Moi déjà, on est les champions des coming out sauvages. Le truc qui sort de nulle part et puis après, on n’en parle plus jamais, ou on ne parle plus jamais à la personne. [rire] Voilà, d’un coup, comme ça, tu te dis “allez, je vais le dire”, et puis en fait, la moitié du système n’était pas d’accord et du coup personne assume derrière. [rire] Et globalement, la majorité des gens à qui j’en ai parlé a assez bien réagi. Et quand je dis assez bien réagi, c’est dans le sens pas a nié en bloc, pas cru ou pas rejeté en bloc, la majorité. Après, il y a eu des maladresses. Il y a eu une volonté d’intégration un peu maladroite des gens, genre “je voudrais ton avis, enfin votre avis, plus d’avis c’est mieux”. Et là c’est le “hm-hmm…”. [rire] Des trucs comme ça, qui sont gentils mais voilà, je comprends que ce soit compliqué pour les gens, il n’y a pas de souci. Mais globalement, ça s’est relativement bien passé avec soit assez peu de questions, soit beaucoup, en fonction quoi. En général, plus de questions des personnes neuroatypiques, voire concernées qui ne le savaient pas. [rire]

[K] Me regarde pas comme ça. Laisse-moi croire que j’étais la meilleure personne, la personne qui a le mieux réagi que tu connaisse.

[E] [rire] Voilà. Mais… ou alors c’est devenu un non-sujet. Genre ça n’a plus jamais été re-mentionné, même quand je le mentionnais, ça n’était pas relevé, mais pas parce que je l’ai demandé comme toi t’as pu le demander, “fais comme si de rien n’était”…

[K] Oui, c’est ça.

[E] … juste, c’est devenu un non-sujet et c’est resté un non-sujet, et voilà. Et il y a quelques fois où ça s’est mal passé quand même, dont une amie en particulier, qui était vraiment une amie proche et à qui je n’ai même pas parlé de moi; j’ai juste mentionné le sujet et elle a très mal réagi. Et on se parle plus.

[K] Pas exactement pour ça, mais ça a quand même joué fort quoi.

[E] Ça a joué dans le fait que quand il y a eu un autre truc, je me suis dit c’est bon, laisse tomber. Voilà. Mais après, je l’ai souvent dit quand la personne devenait un peu plus proche, parce que c’est arrivé dans le passé, notamment à l’adolescence, qu’y ait des alters qui saquent des relations. Et donc je voulais un peu prévenir, du “par moments oui, je suis changeante et par moments je ne suis pas sympa et je suis froide” et tout ça et voilà. Donc je voulais expliquer un peu pourquoi. Et donc c’est pour ça aussi que je le dis, et c’est aussi parce que ma capacité de masking n’est pas très bonne. C’est un peu un fait connu sur moi que je suis bizarre.

[K] Oui.

[E] Et il y a des alters qui ne masquent pas, qui s’en fichent de le dire et qui le disent et voilà, notre masking n’est pas très bon contrairement au vôtre. Et donc voilà. Mais à part ça, c’est pareil que toi. Aujourd’hui, j’entamerais plus de relation quelle qu’elle soit – enfin, sauf évidemment des trucs où on s’en fout, je ne vais pas aller l’expliquer à la meuf de la mairie hein bon [rire] – mais je développerai plus de relations avec des gens qui ne savent pas.

[K] Ouais, clair.

[E] Ça fait trop partie de mon quotidien, c’est trop existant dans ma vie, ça m’apporte- C’est cool de ne pas essayer de me forcer à masquer alors que je n’arrive pas, c’est moins fatigant, c’est ok de dire “oh mais non mais je suis désolée, mais c’était Truc” [rire]. Voilà, bref, pareil quoi. Je suis trop out avec moi-même que pour ne pas pouvoir l’être avec les autres.

[K] Oui, je suis d’accord. Et moi, un des trucs qui joue quand même fort dans ma balance, c’est que Partielles, ça occupe beaucoup de nos journées. Et du coup, c’est compliqué de dire “qu’est-ce que tu fais de tes journées?”, tu finis super souvent vite à dire “j’ai passé la journée devant le PC” – “ah, tu faisais quoi?” – “euh j’ai joué à des jeux vidéo”…

[E] Et comme je parle déjà pas beaucoup, si en plus je dois inventer ce que je suis censée raconter ou des trucs comme ça, moi laisse tomber.

[K] Du coup, voilà. Du coup, on n’a pas beaucoup d’amis singl- Du coup toi, tu n’as pas beaucoup d’amis. Moi, je n’ai pas tant d’amis que ça non plus, je fais genre mais c’est juste, par rapport à toi, plus. [rires] Mais du coup, on n’a pas beaucoup d’amis singlets. Pour moi, une amie qui est pas au courant, un ami qui l’est mais avec qui on en parle pas, même si visiblement, en fait il n’attend que ça. Ce qui est mignon pour un ami singlet.

[E] Oui.

[K] On verra bien la suite. [rires] On fera une update à la vidéo, genre dans un an.

[E] Oh, ce serait mignon!

[K] Quelle horreur. [rires] Et du coup, dans nos amitiés plutôt avec des personnes multiples, parce que c’est ce qu’on vit le plus, comment tu… exprimes qui t’es, tes switches? Est-ce que les relations sont différentes avec certains membres? Enfin oui, du coup avec le système comme entité ou avec certains membres du système ou…?

[E] Mmh… J’ai quand même pas beaucoup, beaucoup d’amis donc… J’ai une amie multiple qui ils ont vraiment du mal à s’identifier et donc je les prends vraiment comme un tout, même si moi je vois des différences entre eux mais ils ne le remarquent pas forcément et c’est toujours un peu mignon, tu vois? [rire] Mais voilà, je parle quand même pareil. Un ami multiple qui est… quasiment, c’est quasi- Mh. Ben, c’est toujours le même fronteur principal, sauf qu’en fait non, mais ce n’est pas grave.

[K] Oui.

[E] J’ai l’impression de nouer une relation avec vraiment juste quelques alters isolés, mais je sais que ce n’est pas vrai parce qu’en fait, il y a plus que ça mais voilà, mais c’est de leur côté quoi. Moi, je les considère pas différemment, je les vois différemment, mais je les considère pas différemment. Et avec deux autres amis qui sont plus différentiables comme nous, là oui, là il y a quand même des différences un peu d’affinités avec certains et entre des alters de chez eux et des alters de chez moi.

[K] Ouais, clair.

[E] Mais c’est comme entre nous deux quoi. Sauf que nous, c’est aussi en couple, mais c’est des trucs qui matchent mieux ou moins bien quoi. Mais c’est pas pour autant- Enfin je suis amie avec tout leur système et tout leur système est ami avec tout mon système, mais il y a des combos qui fonctionnent mieux et qui s’entraînent plus et des trucs comme ça.

[K] Oui, moi c’est tout pareil que toi, à la différence près qu’on est moins différentiables. Et du coup, en fait c’est ce que j’allais dire, moi j’ai l’impression que c’est pas vraiment nous, mais c’est plutôt à quel point nos amis multiples sont différenciés et différentiables, tu vois? Genre avec nos amis qui sont très comme moi, très mélangés et peu clairs, eh bien, moi, je les considère comme un tout et je suppose que je suis considéré comme un tout aussi. Que par contre, c’est un peu un cercle qui s’auto-entraîne quoi. Qu’avec des gens qui sont plus différenciés, eh ben par exemple, j’utilise plus mes proxy sur PluralKit quand on parle sur Discord. Et donc ces gens-là ont des affinités plus différentes avec certains alters et c’est leurs affinités envers nous qui affinent comment nous on peut le percevoir. Mais nous, globalement, notre base c’est d’être un tout. Et donc si la personne en face est différente, on fait différemment. Mais intuitivement, on est très un tout.

[E] Oui. Du coup, c’est une espèce de conscien- Parce que ça existe déjà, en fait, ces affinités différentes, mais il y a une espèce de conscientisation…

[K] Oui, c’est ça.

[E] … qui est amenée par eux, qui sont plus conscients de leurs différences.

[K] Oui, voilà, ou une espèce d’autorisation aussi?

[E] Peut-être.

[K] Tu vois? Pas spécialement d’autorisation mais d’un peu… c’est ce qui est recherché? Genre… on est très à s’adapter, c’est un peu une caractéristique importante. Et du coup bah si les gens en face, ils sont très différenciés et ils sont attachés au fait de savoir à qui ils parlent parce que eux, leur affinité est comme ça, eh ben on le fait genre. Maintenant, hein! Que pendant tout un moment, juste après la prise de conscience, on n’aurait pas pu et ça nous mettait mal à l’aise. On était très, très mal à l’aise par le fait de devoir- de se sentir obligés de dire qui est là. Parce qu’on n’était pas sûrs, parce qu’on est souvent mélangés, parce qu’on avait cette espèce de pression qui dit qu’il faut être clair pour être cru, et tous ces trucs-là qui ne sont pas vraiment vrais. Et du coup, pendant tout un moment, moi, je n’étais pas à l’aise d’utiliser Pluralkit parce que je ne trouvais pas que c’était un outil qui était adapté à moi. Parce que j’avais l’impression que justement, les seuls moments où j’avais envie d’utiliser un autre proxy, c’est que la personne qui était là était sûre d’elle et du coup, ça allait être trop notifié parce que ça n’arrivait jamais. Et du coup, ça mettait une espèce de pression, de truc de performance, du il faut avoir l’air vraiment différent, il faut utiliser une ponctuation différente ou un truc comme ça. Ce qui est complètement faux, hein! Mais vu que ça arrivait peu, j’avais vraiment cette sensation-là et j’avais l’impression que du coup, ça allait pas passer inaperçu, que le système en face, qui que ce soit dans leur système, allait dire “oh salut Bidule, comment tu vas?”, et moi j’étais là genre “nope”. [rires] Que maintenant, c’est beaucoup plus intuitif, et du coup c’est beaucoup plus fluide et du coup, c’est justement beaucoup moins notifié. Il a fallu que je passe une espèce de phase où c’était un peu gênant pour que ce soit la normalité. Et maintenant c’est super cool et d’ailleurs je le vois à mon utilisation de Discord. On était très à avoir des groupes WhatsApp avec tous nos potes avant et maintenant on est très à avoir des serveurs Discord avec tous nos potes.

[E] C’est vrai.

[K] Ben oui. Et même les gens avec qui on parle sur WhatsApp depuis une éternité, on est en train de leur dire “hey venez sur Discord, c’est quand même plus chouette”. Ce qui prouve que maintenant, ça me convient et que ce n’est pas juste “ça nous convient pas”. Moi, j’ai pensé les deux. J’ai pensé d’abord être visible, c’est mal pour moi, c’est pas adapté à moi. J’ai pensé, avant ça, c’est parce que je ne suis pas assez doué, assez confiant, assez nanana, que je n’arrive pas à être visible. Et en fait la vérité, elle est aucun des deux, elle est si c’est ok, mais pas autant que ce que j’en pensais et avec des personnes choisies en fait. Parce que vu que, comme je le disais avant, l’intérêt d’être visible pour moi, il est mitigé, il faut que ce soit cool quoi, faut que ça m’apporte des trucs. On n’a pas d’euphorie de, genre d’être nous, et perçus comme nous. Voilà. Et du coup, une peur que du coup on a très peu par tout ça, c’est d’avoir peur que certains amis préfèrent certains alters que d’autres. C’est une peur qu’on n’a pas parce que les gens nous connaissent pas. [rires] Les gens savent pas différencier qui est qui, très peu, et du coup, ben ils peuvent le penser intuitivement, et souvent je pense qu’ils ont juste, mais ils n’ont pas de confirmation. Ils ne peuvent pas se dire “ah j’ai vu Bidule-Machin hier et on en a parlé et oh qu’est-ce qu’elle était cool et badass et toi t’es nul”. Les gens me disent pas ça, ils ne peuvent pas le savoir. Mais toi; peut-être, t’as de trucs à dire à propos de ça?

[E] Ah ça ouais, c’est un truc qui est arrivé quoi. [soupir] Oui, c’est un truc qui est arrivé et je pense que c’est un truc qui peut encore arriver. Bah déjà, la grosse différence entre A. et le reste du système hein, y a quand même tout un moment- Maintenant elle se montre plus, même aux nouvelles relations; parce qu’elle en a jamais eu l’intérêt. Mais il y a eu des moments où elle avait plus d’intérêt à la vie que maintenant. Et oui, effectivement, il y avait ce côté un peu admiration pour elle alors que… pas pour moi. [rire] “Pas pour moi” bref pour pour nous, les autres quoi. Et du coup, oui, il y avait un peu des jalousies. Et alors à l’inverse quoi, une fois qu’elle avait été trop franche et trop froide et que la personne, elle venait pleurer chez moi parce qu’elle avait été méchante, beh c’est un peu le “je t’avais prévenu” [rire]. Voilà. Et du coup, à ce moment-là, la tendance pouvait s’inverser quoi. Mais oui, ça a pu arriver et je pense qu’encore aujourd’hui- Bah il y a des moments où moi je suis très- oh ça me passe dessus moi, beaucoup de choses, tu vois? Et du coup, quand il y a un peu des couacs dans les interactions, avec les amis notamment, c’est souvent un autre alter qui va venir l’ouvrir et qui à ce moment-là aime bien dire c’est cet alter-là, tu vois?

[K] Oui.

[E] Parce qu’il y a des alters comme ça, qui aime bien dire que c’est eux. Moins à l’oral, c’est moins facile, mais souvent ils marquent une expression faciale ou un truc ainsi qui indique que c’est eux, même s’ils disent pas “Salut c’est Truc”. Et du coup oui, souvent- Parfois du coup, ça fait un peu des couacs, du après les gens sont un peu méfiants justement, s’ils se rendent compte que c’est cet alter-là, parce qu’il y a eu une notification.

[K] Oui. Ah, genre A. a dit que c’était elle et elle est pas gentille, et maintenant je le sais et en fait maintenant, à chaque fois que c’est elle, elle me fait flipper.

[E] Oui c’est ça. Mais même avec d’autres alters quoi. Je sais que c’est arrivé avec Fox ou des trucs comme ça, qu’elle soit… Bah, elle est plus canon que moi quand elle s’exprime et du coup, ça a laissé des froids. Et du coup, après, quand elle venait parler, genre on lui répondait plus quoi. Alors que ça allait! [rire] Mais du coup, oui, c’est arrivé, ça arrive encore et je pense qu’effectivement ça vient du fait que c’est plus visible et remarqué et conscientisé. Mais en même temps, je ne peux pas en vouloir aux gens parce que bah tu ne peux pas t’entendre avec tout le monde et c’est ok, tu vois? Et en même temps, souvent, c’est lié à l’expression d’un truc qui concerne tout le système. C’est juste que c’est cet alter-là qui y est allé. Et donc ça m’embête un peu qu’y continue à y avoir des tensions avec cet alter alors que c’est l’alter qui a exprimé un truc qui concerne aussi d’autres alters. Mais j’entends que c’est des notions qui peuvent être compliquées à gérer, surtout pour les singlets à certains moments, mais pas que, parce que ça arrive avec des multiples aussi. Voilà. Après, en général, ça me passe dessus. Si je prends Fox par exemple aussi, elle est comme ça et elle a conscience que si elle s’exprime comme ça, ça risque d’arriver, tu vois? Voilà. Mais ça arrive quand même beaucoup, beaucoup moins qu’avant où il y avait vraiment des gens qui préféraient A. et des gens qui préféraient… pas A. du coup, et avec vraiment cette espèce de fossé entre les deux. Maintenant, on est quand même beaucoup plus tous à communiquer et tout ça, à partager justement les relations et donc ça arrive vraiment moins quand même.

[K] Ok. Moi, je voudrais qu’on parle un peu de trucs auxquels on peut penser à dire à ses amis. Je sais qu’on en parle dans notre truc sur les coming out. Mais peut-être, j’avais envie qu’on passe un peu en revue une liste – non-exhaustive évidemment – de plein de trucs qui peuvent être discutés dans les relations, et dans ce cas-ci en amitié, qu’on pourrait se dire “c’est pas ok” ou “c’est obligatoire”, alors que, comme pour tout, moi je trouve que c’est nuancé. Par exemple, c’est ok de dire “m’en parle pas, j’ai besoin d’un temps”, c’est une possibilité. Ou c’est ok de mettre un cadre à des questions-réponses, genre “voilà, là, je viens de t’en parler et ça vient déjà de me stresser, du coup je me sens pas à l’aise à répondre à tes questions mais si tu veux bien, laisse moi un jour ou deux que je digère le truc et puis on en reparle”, et “dis-moi est-ce t’es ok que je te pose des questions maintenant” et “pose-moi des questions”, tu vois? Et les questions, ça peut être des trucs sur la multiplicité, évidemment, mais ça peut être aussi comment veux-tu que je me comporte avec toi? Est-ce que tu veux que je notifie tes switches? Est-ce que tes alters vont dire “salut, moi c’est Machin”? Et est-ce que tant que je n’ai pas eu une présentation officielle, je fais comme si je n’avais rien vu? Enfin, tous des trucs sur un peu comment vous voulez que la relation soit par rapport à votre multiplicité, que ce soit avec un singlet ou avec un multiple. Donc ça, je pense que c’est vraiment plus lié à l’après coming out mais peu après. Mais il y a d’autres trucs auxquels on pense pas qui peuvent quand même être re-discutés après. Et le message que je veux faire passer, c’est s’il y a des trucs qui vous semblent ok et qui semblent être ok pour la personne en face, bah juste, parlez-en en fait. Même si on lit, on entend, on pressent que c’est pas ok. Et donc ben oui, je trouve qu’on axe beaucoup qu’est-ce qu’on peut dire à ses amis ou aux personnes à qui on fait des coming out juste après le coming out, mais quand les relations se développent et que la connaissance du système se développe dans les deux sens, ben je pense que ça peut amener d’autres questions qui peuvent être enrichissantes et améliorer la relation. Bref, merci beaucoup d’être restés jusqu’ici! C’était un peu décousu. Cette vidéo est suffisamment longue pour se suffire à elle-même, vous aurez donc la partie discussion “amitié multiple-singlet” et le reste du temps sur les réseaux sociaux et à bientôt!