Dans un précédent dossier, on vous expliquait les troubles dissociatifs selon le DSM-V mais ce manuel n’est pas la seule référence en matière de diagnostics ! Il y a aussi la CIM, Classification Internationale des Maladies, ou ICD (International Classification of Diseases) en anglais. Dans cet article, on va parler des troubles dissociatifs selon cette classification.

Dans un précédent dossier, on vous expliquait les troubles dissociatifs selon le DSM-V mais ce manuel n’est pas la seule référence en matière de diagnostics ! Il y a aussi la CIM, Classification Internationale des Maladies, ou ICD (International Classification of Diseases) en anglais. Dans cet article, on va parler des troubles dissociatifs selon cette classification.

[Article mis à jour en février 2022 et en mars 2024 car la CIM-11 a été traduite en français (et les noms ont été modifiés plusieurs fois ^^).]

 

Avant de commencer : on vous invite vraiment à lire le dossier sur les troubles dissociatifs selon le DSM-V, pas tant pour l’explication des troubles mais surtout pour toutes les informations qui l’accompagnent (dissociation et dissociation dite pathologique, limites de la psychiatrie, …). Cet article ne ré-expliquera pas ça pour éviter que ça fasse doublon ^^ on rappellera juste que la CIM, au même titre que le DSM, est un outil, pas une vérité absolue parce que la psychiatrie n’explique pas tout et évolue constamment, en plus d’être souvent biaisée par la psychophobie. 

 

Avertissements de contenu : on va parler de maladies, de symptômes et de psychiatrie, on va aussi mentionner la possession.

 

Avertissement de longueur ^^ : l’article est long parce qu’il résume tous les troubles dissociatifs dans la CIM, le but est pas de tout lire mais de trouver des infos si on en a besoin (la table des matières juste là devrait aider d’ailleurs ^^). On va faire un beau support visuel qui résume un peu tout ça et la différence CIM/DSM aussi, à la fin de l’article 🙂

 

 

La CIM, c’est quoi ? 

 

Pour résumer, c’est une classification (… internationale… des maladies, on a compris ^^) qui reprend et codifie toutes les maladies, leurs symptômes, signes, etc…
Contrairement au DSM, la CIM ne se contente pas des troubles mentaux, elle reprend toutes les pathologies, blessures, et autres, tous les symptômes de santé en général, aussi bien physique que mentale.
Bref c’est une grosse grosse base de données de tous les trucs qui peuvent plus ou moins foirer chez les gens que les toubibs utilisent pour classer les symptômes et maladies, voilà. 

 

La CIM est publiée par l’OMS et elle existe depuis plus de 100 ans. Ouais, tout ça, autant dire qu’elle dépend aussi des biais de perception des époques mais là n’est pas la question.
La version actuelle est la CIM-10, elle a débuté en 1983 et sa dernière grosse mise à jour date de 1996.
Et la dernière version, la CIM-11 publiée depuis 2018, sera mise en application à partir de janvier 2022

 

Bon, cet instant date est fini, l’important à retenir est que la CIM est continuellement mise à jour ! Elle est accessible en plus d’être internationale et, contrairement au DSM, non-issue d’un collectif américain. 

 

Mais c’est mieux la CIM ou le DSM ?

 

Difficile à dire, ce sont surtout deux classifications différentes. Par exemple, dans la CIM, on trouve la présence du TSPT-C (CPTSD), le trouble de stress post-traumatique complexe, que le DSM-V a refusé. À côté de ça, la CIM-10 reprend la “psychose hystérique” parmi les symptômes dissociatifs… 
De toute façon, le bémol, c’est que la CIM est en anglais… elle n’a pas souvent été traduite en français, contrairement au DSM. C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles le DSM-V est toujours très utilisé aujourd’hui, plus que la CIM, pour diagnostiquer les troubles mentaux. L’autre raison possible est que la CIM a souvent elle-même renvoyé au DSM-V pour avoir plus de détails en matière de symptômes de pathologies mentales, parce que la CIM est une classification et pas un manuel
Bref, CIM ou DSM, l’un n’est pas forcément mieux que l’autre, ce sont simplement deux outils différents. 

 

Et bien évidemment, les troubles dissociatifs sont classés différemment entre la CIM et le DSM !
Les troubles dissociatifs sont surtout connus et considérés selon le modèle du DSM-V (parfois du DSM-IV-TR…), cet article n’est pas là pour dire si une classification est meilleure que l’autre, il est seulement là pour décrire les troubles dissociatifs selon la CIM ^^ et pour éventuellement expliquer un diagnostic quand on a seulement l’habitude des 5 troubles du DSM alors qu’on se retrouve avec un autre nom (même si on rappelle que le diag est nécessaire si vous en avez envie et/ou besoin et aussi que vous vous définissez selon ce qui vous convient ! bref ce paragraphe est trop long ^^)

 

Les troubles dissociatifs dans la CIM-10

 

On pourrait se concentrer seulement sur la CIM-11 mais comme la CIM-10 est encore utilisée et qu’il y aura sans doute une période de transition, autant les décrire vite faits quand même ^^ 

 

Dans la CIM-10, il y a 10 troubles dissociatifs, aussi appelés “de conversion”. La dernière version de la CIM-10 est en anglais mais il y a une version datant de 2008 disponible en français (j’ai pas vu de version plus récente en français mais ça existe peut-être). 

 

Lien vers la version de 2008 en français : https://icd.who.int/browse10/2008/fr#/F44 
Lien vers la version de 2019 en anglais : https://icd.who.int/browse10/2019/en#/F44 

 

Les troubles décrits sont : 

 

  • L’amnésie dissociative
  • La fugue dissociative
  • La stupeur dissociative
  • Les états de transe et de possession
  • Les troubles moteurs dissociatifs
  • Les convulsions dissociatives 
  • L’anesthésie dissociative et les atteintes sensorielles 
  • Les troubles dissociatifs (de conversion) mixtes
  • Les autres troubles dissociatifs (de conversion)
  • Le trouble dissociatif (de conversion) non-spécifié 

 

Si vous avez cherché le TDI et que vous ne l’avez pas trouvé, c’est normal, il est classé parmi les “autres troubles dissociatifs (de conversion)” sous l’appellation “personnalité multiple”. Et il n’y a pas de description pour cette catégorie. 

 

 

Et si vous cherchez l’ATDS, il n’y est pas, ou sans doute dans la même catégorie mais pas spécifiquement nommé. 
(Permettez-moi une petite note salée mais… ça nous montre quand même à quel point l’OMS informe sur ces troubles, hein !)

 

Bon, ben voilà pour la CIM-10. Si vous voulez aller lire les descriptions sur le site, n’hésitez pas ^^ en attendant, passons à la CIM-11 qui est quand même plus récente et un poil plus pertinente ! 

 

Les troubles dissociatifs dans la CIM-11 

 

Alors, comme déjà dit, il n’y a pas de version française de la CIM-11 actuellement. En voici néanmoins le lien : https://icd.who.int/en 
Petit rappel du coup que la liste des troubles aura un nom traduit littéralement qui ne sera peut-être pas le nom final une fois que la CIM-11 sera officiellement traduite. 
[Mise à jour : la CIM-11 est désormais disponible en français : https://icd.who.int/fr – les descriptions et noms ont été mis à jour en conséquences.]

 

Dans la CIM-11, il y a 7 troubles dissociatifs… enfin plus ou moins parce que certains ont des sous-catégories et puis y a aussi des catégories résiduelles (transition avec la CIM-10, touça). 

 

La description générale des troubles dissociatifs est la suivante : 

 

“Les troubles dissociatifs se caractérisent par une perturbation ou une interruption involontaire de l’intégration normale d’un ou plusieurs des éléments suivants: identité, sensations, perceptions, affects, pensées, souvenirs, contrôle sur les mouvements corporels ou comportement. Cette perturbation ou interruption peut être totale, mais est plus souvent partielle, et peut varier d’un jour à l’autre ou même d’une heure à l’autre. Les symptômes des troubles dissociatifs ne sont pas dus aux effets directs d’une substance ou d’un médicament, y compris aux effets d’un sevrage, ne s’expliquent pas mieux par un autre trouble mental, comportemental ou neurodéveloppemental, un trouble du cycle veille-sommeil, une maladie du système nerveux ou une autre affection médicale, et ne font pas partie d’une pratiques culturelle, religieuse ou spirituelle acceptée. Les symptômes dissociatifs des troubles dissociatifs sont suffisamment sévères pour entraîner une déficience significative dans les domaines personnel, familial, social, scolaire, professionnel ou d’autres domaines de fonctionnement importants.”

 

Rappel : comme pour le DSM-V, tous les troubles de cette section n’impliquent pas forcément une forme de multiplicité. 

 

Les troubles dissociatifs décrits dans la CIM-11 sont donc : 

 

  • Le trouble symptomatique neurologique dissociatif (qui reprend plein d’autres trucs, on y revient) 
  • L’amnésie dissociative (qui a elle-même des sous-catégories, on y revient aussi)
  • L’état de transe
  • L’état de possession ([MàJ] Traduction approx. originale : états de transe et possession)
  • Le trouble dissociatif de l’identité
  • Le trouble dissociatif de l’identité partiel ([MàJ] Traduction approx. originale : trouble dissociatif partiel de l’identité) 
  • Le trouble dépersonnalisation-déréalisation

 

Et à ça, on ajoute mais pas vraiment : 

 

  • Le syndrome dissociatif secondaire (qui a été déplacé dans une autre section donc il compte pas)
  • Les autres troubles dissociatifs (catégorie résiduelle)
  • Les troubles dissociatifs, sans précision (catégorie résiduelle) 

 

Maintenant, on va les décrire. On s’attend pas à full infos non plus, c’est la CIM ici ^^ 

 

Le trouble symptomatique neurologique dissociatif

 

“Trouble symptomatique neurologique dissociatif caractérisé par la présence de symptômes moteurs, sensoriels, ou cognitifs qui provoquent une discontinuité involontaire de l’intégration normale des fonctions motrices, sensorielles, ou cognitives et qui ne sont pas compatibles avec une maladie identifiée du système nerveux, un autre trouble mental ou comportemental, ou une autre affection médicale. Les symptômes ne surviennent pas exclusivement au cours d'un autre trouble dissociatif et ne sont pas dus aux effets d'une substance ou d'un médicament sur le système nerveux central, y compris les effets d’un sevrage, ou un trouble veille-sommeil.”

 

Alors dit comme ça, c’est pas forcément clair mais ! il y a plein de sous-catégories plus précises, voyez plutôt :

 

  • avec troubles de la vision : se caractérise par des symptômes visuels tels qu’une cécité, une vision étroite, une diplopie et des déformations ou hallucinations visuelles.
  • avec troubles auditifs : se caractérise par des symptômes auditifs tels qu’une perte d’audition ou des hallucinations auditives.
  • avec vertiges ou étourdissements : se caractérise par une sensation de tournoiement en étant immobile (vertiges) ou des étourdissements.
  • avec autres troubles sensoriels : caractérisé par des symptômes sensoriels non identifiés dans d’autres catégories spécifiques de ce groupe tels que l’engourdissement, l’oppression, les picotements, la sensation de brulure, la douleur, ou par d’autres symptômes liés au toucher, à l’odorat, au gout, à l’équilibre, à la proprioception, à la kinesthésie, ou à la thermoception. 
  • avec convulsions non-épileptiques : se caractérise par des une présentation symptomatique de crises ou convulsions.
  • avec troubles du langage : caractérisé par certains symptômes tels que la difficulté du langage (dysphonie), la perte de langage (aphonie) ou la difficulté ou l’incapacité à articuler clairement (dysarthrie).
  • avec parésie ou faiblesse : se caractérise par une difficulté ou une incapacité à bouger volontairement des parties du corps ou à coordonner ses mouvements.
  • avec perturbation de la marche : se caractérise par des symptômes impliquant la capacité ou la manière de marcher de l’individu, notamment une ataxie et l’incapacité à rester debout sans aide.
  • avec troubles des mouvements : se caractérise par des symptômes tels qu’une chorée, une myoclonie, des tremblements, une dystonie, des spasmes faciaux, des syndromes parkinsoniens ou une dyskinésie (et chaque symptôme a sa propre sous-catégorie). 
  • avec symptômes cognitifs : caractérisé par une altération des capacités cognitives de la mémoire, du langage ou d’autres domaines cognitifs qui est incohérente au niveau interne.

 

À chaque fois, il est bien évidemment précisé que ça ne correspond pas à une autre maladie ni à un autre trouble dissociatif (la description générale de la catégorie quoi). Parce que oui, ce trouble et toutes ses sous-catégories peuvent évidemment être des symptômes (ou des comorbidités) des autres troubles dissociatifs. Et quand tous ces trucs sont écartés, il faut aussi exclure le trouble factice (c’est le seul trouble dissociatif pour lequel il faut aussi écarter cette piste, c’est bien de le préciser). 

 

On peut considérer que cette catégorie peut être reprise dans le TDNS ou l’ATDS du DSM-V.

 

L’amnésie dissociative 

 

“L’amnésie dissociative se caractérise par une incapacité à se remémorer des souvenirs autobiographiques importants, habituellement des événements traumatiques ou stressants récents, qui est incohérente avec l’oubli ordinaire. L’amnésie ne survient pas exclusivement au cours d’un autre trouble dissociatif et ne s’explique pas mieux par un autre trouble mental, comportemental ou neurodéveloppemental. L’amnésie n’est pas due aux effets directs d’une substance ou d’un médicament sur le système nerveux central, y compris aux effets d’un sevrage, ni à une maladie du système nerveux ou à un traumatisme crânien. L’amnésie entraîne une déficience significative dans les domaines personnel, familial, social, scolaire, professionnel ou d’autres domaines de fonctionnement importants.”

 

Et il y a deux sous-catégories

 

  • avec fugue dissociative : se caractérise par toutes les caractéristiques de l’amnésie dissociative, accompagnée de fugue dissociative, c.-à-d., une perte du sens de l’identité personnelle et une fuite soudaine du domicile, du travail ou loin de ses proches pour une longue période (jours ou semaines). Une nouvelle identité peut être supposée.
  • sans fugue dissociative : se définit par toutes les caractéristiques de l’amnésie dissociative survenant en l’absence de symptômes de fugue dissociative. (logique)

 

Là pour le coup, ça ressemble pas mal à l’amnésie dissociative décrite dans le DSM-V. Les troubles à exclure en plus des troubles dissociatifs et autres décrits plus haut sont d’autres formes d’amnésies comme celles dues à l’alcool ou aux crises d’épilepsie, l’amnésie rétrograde ou antérograde. 

 

Il est aussi bon de préciser que “des événements traumatiques ou stressants récents” est bien précédé du mot “habituellement”, parce que les événements traumatiques peuvent être beaucoup plus anciens évidemment. 

 

L’état de transe 

 

“Le trouble de transe se caractérise par des états de transe dans lesquels il y a une altération marquée de l’état de conscience de l’individu ou une perte du sens habituel de l’identité personnelle de l’individu au cours desquels l’individu a une conscience restreinte de son environnement immédiat ou une concentration inhabituellement ciblée et sélective sur des stimuli environnementaux ainsi qu’une restriction des mouvements, des postures, et du discours limité à la répétition d’un petit répertoire qui est vécu comme étant hors de son contrôle. L’état de transe ne se caractérise pas par l’expérience d’être remplacé par une autre identité. Les épisodes de transe sont récurrents ou, si le diagnostic est basé sur un épisode unique, cet épisode a duré pendant au moins plusieurs jours. L’état de transe est involontaire et indésirable et n’est pas accepté dans le cadre d’une pratique culturelle ou religieuse collective. Les symptômes ne surviennent pas exclusivement au cours d’un autre trouble dissociatif et ne s’expliquent pas mieux par un autre trouble mental, comportemental ou neurodéveloppemental. Les symptômes ne sont pas dus aux effets directs d’une substance ou d’un médicament sur le système nerveux central, y compris aux effets d’un sevrage, ni à des états hypnagogiques ou hypnopompiques, ni à une maladie du système nerveux, à un traumatisme crânien ou à un trouble du cycle veille-sommeil. Les symptômes entraînent une détresse importante ou une déficience significative dans les domaines personnel, familial, social, scolaire, professionnel ou d’autres domaines de fonctionnement importants.” 

 

Pour info, hypnagogique c’est un “état de conscience” à l’endormissement et hypnopompique c’est au réveil (ouais j’ai cherché parce que je les confonds ^^). En gros c’est quand tu dors déjà ou que t’es pas encore vraiment réveillé·e mais ton cerveau essaie d’analyser ce qu’il se passe comme si t’étais éveillé·e. 

 

À noter que les états de transe dissociative sont repris dans la catégorie ATDS du DSM-V.

 

L’état de possession ([MàJ] Trad. approx. originale : états de transe et possession)

 

“L’état de possession se caractérise par des états de transe dans lesquels il y a une altération marquée de l’état de conscience de l’individu et où le sens habituel de l’identité personnelle est remplacé par une identité ‘possédante’ externe et où les comportements ou les mouvements de l’individu sont vécus comme étant contrôlés par l’agent possédant. Les épisodes de possession sont récurrents ou, si le diagnostic est basé sur un épisode unique, cet épisode a duré pendant au moins plusieurs jours. L’état de possession est involontaire et indésirable et n’est pas accepté dans le cadre d’une pratique culturelle ou religieuse collective. Les symptômes ne surviennent pas exclusivement au cours d’un autre trouble dissociatif et ne s’expliquent pas mieux par un autre trouble mental, comportemental ou neurodéveloppemental. Les symptômes ne sont pas dus aux effets directs d’une substance ou d’un médicament sur le système nerveux central, y compris aux effets d’un sevrage, ni à un épuisement, à des états hypnagogiques ou hypnopompiques, ni à une maladie du système nerveux ou à un trouble du cycle veille-sommeil. Les symptômes entraînent une détresse importante ou une déficience significative dans les domaines personnel, familial, social, scolaire, professionnel ou d’autres domaines de fonctionnement importants.” 

 

Les troubles à exclure sont : la schizophrénie, les troubles dus aux substances, le trouble psychotique aigu et transitoire et le changement de personnalité secondaire (changement par rapport au modèle de personnalité caractéristique antérieur de l’individu et qui est considéré comme une conséquence physiopathologique directe d’un état de santé non classé dans la catégorie des troubles mentaux et comportementaux).

 

Alors cette catégorie est un peu complexe en termes de multiplicité. Elle est plus ou moins reprise dans le DSM-V maiiis… dans le TDI. On développera ça plus bas, après avoir vu les autres troubles.

 

Le trouble dissociatif de l’identité 

 

“Le trouble dissociatif de l'identité se caractérise par une perturbation de l’identité dans laquelle il y a deux états distincts de la personnalité ou plus (identités dissociatives) associés à des interruptions marquées dans la sensation de soi et de la capacité d’agir. Chaque état de la personnalité inclut son propre schéma d’expérience, de perception, de conception et de relation avec soi, son corps et l’environnement. Au moins deux états de la personnalité distincts prennent de façon récurrente le contrôle exécutif de la conscience et du fonctionnement de l’individu dans ses interactions avec les autres ou avec l’environnement, comme dans l’accomplissement de tâches spécifiques de la vie quotidienne telles que la parentalité ou le travail, ou en réaction à des situations spécifiques (p. ex. celles qui sont perçues comme menaçantes). Les changements de l’état de la personnalité s’accompagnent d’altérations connexes de la sensation, de la perception, de l’affect, de la cognition, de la mémoire, du contrôle moteur et du comportement. Il y a généralement des épisodes d’amnésie, qui peuvent être sévères. Les symptômes ne s’expliquent pas mieux par un autre trouble mental, comportemental ou neurodéveloppemental et ne sont pas dus aux effets directs d’une substance ou d’un médicament sur le système nerveux central, y compris aux effets d’un sevrage, ni à une maladie du système nerveux ou à un trouble du cycle veille-sommeil. Les symptômes entraînent un déficit important dans les domaines personnel, familial, social, scolaire, professionnel ou d’autres domaines de fonctionnement importants.” 

 

Pour faire simple, on va faire une vulgarisation de cette traduction ^^ (même si pour plein de trucs, vous utilisez évidemment les termes qui vous mettent le plus à l’aise)

 

  • “deux états distincts de la personnalité ou plus (identités dissociatives)” = alters/fragments
  • “associés à des interruptions marquées dans la sensation de soi et de la capacité d’agir” = influences
  • “Au moins deux états de la personnalité distincts prennent de façon récurrente le contrôle exécutif de la conscience et du fonctionnement de l’individu […]” = au moins 2 alters + switch
  • “Les changements de l’état de la personnalité s’accompagnent […]” = symptômes dissociatifs, déperso/déréal, “altérations” dues aux caractéristiques propres de l’alter (exemple avec les affects), amnésie (mais attention ! ça ne veut pas dire blackouts encore une fois, seulement une mémoire qui vacille)  
  • “Il y a généralement des épisodes d’amnésie, qui peuvent être sévères.” = là bah ça dit que l’amnésie peut être sévère, en gros ça dit mémoire généralement (!) altérée/lacunaire/floue pouvant aller jusqu’à l’amnésie complète (périodes passées ou présentes)

 

À noter qu’avec le trouble suivant (le TDI partiel), c’est le seul trouble pour lequel il n’est pas dit qu’il faut exclure un autre trouble dissociatif. Donc le TDI est un trouble à vérifier en premier quand il y a suspicion d’un trouble dissociatif, même une amnésie dissociative ou de la déperso/déréal qui peuvent être des symptômes du TDI

 

Le TDI de la CIM-11 est globalement décrit de façon similaire au DSM-V

 

Le trouble dissociatif de l’identité partiel ([MàJ] Trad. approx. originale : trouble dissociatif partiel de l’identité) 

 

“Le trouble de l’identité dissociative partielle se caractérise par une perturbation de l’identité dans laquelle il y a deux états distincts de la personnalité ou plus (identités dissociatives) associés à des interruptions marquées dans la sensation de soi et la capacité d’agir. Chaque état de la personnalité inclut son propre schéma d’expérience, de perception, de conception et de relation avec soi, son corps et l’environnement. Un état de la personnalité est dominant et fonctionne normalement dans la vie quotidienne, mais est envahi par un état de la personnalité non dominant ou plus (intrusions dissociatives). Ces intrusions peuvent être d’ordre cognitif, affectif, perceptif, moteur ou comportemental. Elles sont vécues comme interférant avec le fonctionnement de l’état de la personnalité dominant et sont généralement désagréables. Les états de la personnalité non dominants ne prennent pas le contrôle exécutif de la conscience et du fonctionnement de l’individu de façon récurrente, mais il peut y avoir des épisodes occasionnels, limités et transitoires pendant lesquels un état de la personnalité distinct assume le contrôle exécutif pour se livrer à des comportements circonscrits, par exemple en réaction à des états émotionnels extrêmes ou au cours d’épisodes de préjudice auto-infligé ou de la réactivation de souvenirs traumatiques. Les symptômes ne s’expliquent pas mieux par un autre trouble mental, comportemental ou neurodéveloppemental et ne sont pas dus aux effets directs d’une substance ou d’un médicament sur le système nerveux central, y compris aux effets d’un sevrage, ni à une maladie du système nerveux ou à un trouble du cycle veille-sommeil. Les symptômes entraînent une déficience importante dans les domaines personnel, familial, social, scolaire, professionnel ou d’autres domaines de fonctionnement importants.”

 

Le début de la description est le même que pour le TDI, la différence réside dans la présence d’un “état de personnalité dominant” vivant des intrusions par les autres “états de personnalités (non-dominants)”. En vulgarisant, ça dit qu’il y a un·e alter influencé·e par d’autres alters et/ou des fragments. Bon, il est dit que ces alters/fragments “non-dominants” sont généralement désagréables, c’est évidemment loin d’être toujours vrai, heureusement qu’il y a le mot “généralement”. 

 

La description dit également qu’il n’y a pas de switch ou seulement dans des situations précises et ponctuelles. 

 

Ce trouble n’est pas repris dans le DSM-V mais il y a une description similaire pour certaines formes d’ATDS (l’ATDS sans switch et l’ATDS avec un·e seul·e alter et des fragments). On peut supposer que l’ATDS avec des alters qui switch doit être repris dans le TDI décrit ci-dessus puisque la différence est vraiment dans le fait d’avoir une “identité dominante influencée mais rarement ‘remplacée’”, l’amnésie étant plutôt laissée de côté et considérée comme “généralement” présente dans le TDI. 

 

Le trouble dépersonnalisation-déréalisation

 

“Le trouble dépersonnalisation-déréalisation se caractérise par des expériences persistantes ou récurrentes de dépersonnalisation, de déréalisation, ou les deux. La dépersonnalisation se caractérise par le fait de se sentir étrange ou irréel, ou détaché, ou comme si l’on était un observateur extérieur de ses propres pensées, sentiments, sensations, actions ou de son corps. La déréalisation se caractérise par le fait de percevoir les autres personnes, les objets ou le monde comme étranges ou irréels (p. ex. comme dans un rêve, lointains, flous, sans vie, sans couleur ou visuellement déformés) ou de se sentir détaché de son environnement. Pendant les expériences de dépersonnalisation ou de déréalisation, l’épreuve de réalité demeure intacte. Les expériences de dépersonnalisation ou de déréalisation ne surviennent pas exclusivement au cours d’un autre trouble dissociatif et ne s’expliquent pas mieux par un autre trouble mental, comportemental ou neurodéveloppemental. Les expériences de dépersonnalisation ou de déréalisation ne sont pas dues aux effets directs d’une substance ou d’un médicament sur le système nerveux central, y compris aux effets d’un sevrage, ni à une maladie du système nerveux ou à un traumatisme crânien. Les symptômes entraînent une détresse importante ou une déficience significative dans les domaines personnel, familial, social, scolaire, professionnel ou d’autres domaines de fonctionnement importants.”

 

Globalement, ici, c’est comme le DSM-V

 

Les autres troubles dissociatifs précisés et les troubles dissociatifs sans précision

 

Alors comme dit plus haut, ce sont deux catégories résiduelles de la classification des troubles dissociatifs selon la CIM-11. Autrement dit, “ils n’existent plus vraiment”.

 

Seulement voilà, leurs acronymes (et même leurs noms à un pluriel près), soit ATDS pour “autres troubles dissociatifs spécifiés” et TDNS pour “troubles dissociatifs non-spécifiés” sont les mêmes que pour deux troubles dissociatifs repris dans le DSM-V (autre trouble dissociatif spécifié (ATDS) et trouble dissociatif non spécifié (TDNS))… 

 

Du coup, avoir un diagnostic d’ATDS sur base du DSM-V posera peut-être certaines difficultés à l’avenir ! Il faudra en parler avec votre thérapeute si c’est le cas, pour qu’iel puisse classer votre diag selon les critères de l’OMS

 

[Mise à jour suite à la traduction de la CIM-11 : les noms ont été légèrement modifiés, l’acronyme du premier étant désormais ATDP (autres troubles dissociatifs précisés) et celui du second TDSP (troubles dissociatifs, sans précision). Ce sont malgré tout des catégories résiduelles afin de permettre une recherche vis-à-vis du DSM-V.]

 

Bon alors et la multiplicité dans tout ça ?

 

Alors déjà, la bonne note, c’est que la multiplicité non-liée à un trouble est considérée dans la CIM. Tout comme dans le DSM d’ailleurs. Autrement dit : non, toutes les formes de multiplicité ne sont pas forcément à considérer comme un trouble psy. Ça peut être le cas, ou pas. C’est tout.  

 

Maintenant passons à la multiplicité liée aux troubles dissociatifs. Selon la CIM-11, il y a donc… bah trois troubles concernés : le trouble dissociatif de l’identité, le trouble dissociatif de l’identité partiel et l’état possession. 

 

Le TDI reprend la présence d’au moins deux alters (avec ou sans fragments) et des switch. Le « TDI partiel » (TDI-P) reprend la présence d’au moins un·e alter avec au moins un·e autre alter et/ou des fragments avec presqu’exclusivement de l’influence et pas ou très peu de switch. 

 

Eh puis il y a l’état de possession. Comme dit plus haut, il est repris dans le DSM-V mais dans la catégorie du TDI. C’est-à-dire qu’il est mentionné pour signaler que l’identité qui “prend possession du corps” est considérée par la personne comme une entité extérieure, un esprit, une déité, une personne décédée, … Ici, la CIM sépare cet état spécifique du TDI lui-même. La différence principale est que “l’identité” qui prend le contrôle du corps est considérée comme externe (on peut probablement supposer que celles du TDI sont considérées comme internes du coup), suit un état de transe et n’est pas désirée, donc ce trouble n’est pas là pour expliquer les expériences comme le channeling par exemple.
La CIM ne donne pas de précision sur la nature de l’identité en question ni sur sa récurrence. On ne peut trouver des informations à ce sujet que dans d’autres sources, souvent plus anciennes donc pas forcément à jour (par exemple, qu’il s’agit souvent de la même identité ou qu’elle est associée à une personne décédée, une déité, un animal-totem, … ou que l’amnésie complète soit récurrente mais pas systématique) et dans le DSM qui nous dit que les identités dans le TDI peuvent être influencées par ce qui entoure la personne (culture, croyances, …). 

 

Est-ce que ce trouble est une façon d’expliquer les formes de TDI un peu plus “spectaculaires” dans le sens “qui ne peut pas masquer” ? Difficile à dire, et au fond, quelle importance ?

 

Alors on se place où dans tout ça ? Bah comme toujours : où vous vous sentez à l’aise en fait. La multiplicité se vit d’une multitude de façons et il y a un paquet de définitions de troubles qui y font référence parce que les recherches évoluent encore aujourd’hui (et pas toujours dans le bon sens malheureusement). La CIM, le DSM, la psychiatrie en général sont des outils qui doivent servir à vous aider à vous comprendre et vous sentir en accord avec vous-mêmes (et c’est déjà pas simple quand on est multiple ^^), ce ne sont pas forcément des vérités absolues et cadenaçantes qui expliquent tout sans jamais se tromper ou être biaisées. TDI, ATDS, TDI partiel, TDNS, transe et possession ou simplement multiple, ce qu’il faut retenir c’est que vous êtes légitimes.

 

[Mise à jour suite à la traduction de la CIM-11 : l’ATDS et le TDNS n’existent donc pas selon la CIM, ils sont repris en catégories résiduelles (ATDP ou TDSP) ou sont reclassés dans le TDI ou le TDI-P selon s’il y a une identité « dominante » sans switch ou non.]

 


 

[Carrousel CIM/DSM]

 

Transcription du visuel ici.

 

[Mise à jour suite à la traduction de la CIM-11 : ces visuels ont été faits avant la traduction de la CIM-11, les noms peuvent donc changer.]