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[TPA] Pourquoi la théorie de la dissociation structurelle est validiste – Un article aux idées bien arrêtées.

  • par
  • TPA

Article traduit de Power to the Plurals, écrit par le Stronghold System

Cette vidéo (en anglais) est parue récemment après que l’un des auteurices de la théorie de la dissociation structurelle a perdu son droit d’exercer à vie. Elle permet de mieux saisir toute la vérité concernant la conférence à laquelle nous avons assisté, donnée par les auteurices de la théorie. Je suggère de commencer par lire l’article et d’ensuite regarder la vidéo. Il y aussi un second article (en anglais) sur l’étude du TOP DD (Treatment of Patients with Dissociative Disorders, littéralement Traitement des Patient-e-s Atteint-e-s de Troubles Dissociatifs) qui mentionne les 12.8% de réussite concernant la fusion finale. Merci.

Article d’archives concernant cela (Néerlandais)

Le procès (Néerlandais, et son nom a été effacé pour le protéger…)

Si vous voulez en savoir davantage sur la différence entre intégration, fusion (finale), unification, et fusion temporaire (blending/merging), cliquez ici. (Anglais)

Toute personne qui a regardé une vidéo sur le TDI sur YouTube ou lu quelques messages dans une groupe de soutien, l’a vue passer : la théorie de la dissociation structurelle, élaborée par Ellert Neijenhuis, Onno van der Hart, Suzette Boon and Kathy Steele. 

Il est bon de savoir qu’en 1987, les auteurices de cette théorie nous appelaient déjà des parts, pas des personnalités ou des alters, termes qui étaient communément utilisés à l’époque. Maintenant, vous vous dites peut-être que cela était progressiste, en avance sur son temps — mais était-ce vraiment le cas ?

Je veux commencer par rétablir la vérité. C’est en fait le psychologue et psychiatre Charles Samuel Myers qui en 1916 a écrit sur les Parts Apparemment Normales (PAN) et les Parts Émotionnelles (PE) après des traumatismes sévères pendant la Première Guerre mondiale. Il est donc juste de dire que la théorie de la dissociation structurelle a emprunté ces termes et ne les a pas inventés, comme l’on peut lire dans Le soi hanté (page 19).

Nous avons lu dans le même livre (page 19) que « La dissociation structurelle d’origine traumatique est donc un défaut dans la cohérence et la souplesse de la structure de la personnalité (Resch, 2004). […] Nous décrivons la division de la personnalité en termes de parties dissociatives de la personnalité. » (Putnam, 1997).

Voilà à quoi la plupart des gens font référence lorsqu’iels expliquent que nous ne sommes pas brisé-e-s, pas détaché-e-s les un-e-s des autres. Nous sommes né-e-s avec différents états et les personnes qui survivent à des traumatismes dans l’enfance ne peuvent pas les intégrer dans la petite enfance à cause de ces traumatismes. Mais comme vous pouvez le voir, c’est en fait Putnam en 1997 qui a introduit cette idée. 

Il est aussi bon de comprendre que la théorie de la dissociation structurelle ne concerne pas le TDI, ni les alters, tel-le-s que la plupart des multiples comme nous les connaissent. Elle parle de « parts dissociatives de la personnalité » causées par des traumatismes. Nota bene : pas des traumatismes dans la petite enfance, des traumatismes en général. En effet, cette théorie de la dissociation structurelle explique aussi les traumatismes uniques, les traumatismes répétés à l’âge adulte et les traumatismes dans la (petite) enfance. Elle est utilisée pour décrire les changements qui sont diagnostiqués en tant que TSPT (-C), trouble de la personnalité borderline lié à des traumatismes, TDI et autres.

Le texte continue sous l’image

Théorie de la dissociation structurelle

Comme vous pouvez le voir dans cette image, tous les types de dissociation structurelle contiennent des PAN et des PE, dont Myers a parlé. En d’autres termes, cette théorie présente l’idée selon laquelle toutes les personnes traumatisées ont des « parts dissociatives de la personnalité », qui est le terme collectif désignant les PAN et les PE. Ainsi, la pluralité ne survient pas seulement dans le TDI, comme beaucoup de personnes avec le TDI aiment à prétendre. Selon la page 22, « dans les cas graves de dissociation secondaire et dans tous les cas de dissociation tertiaire, plusieurs parties peuvent avoir un fort degré d’élaboration (par exemples des noms, des âges, un genre sexuel, des préférences). »

De cela, nous pouvons conclure que l’ATDS, le TSPT complexe, le trouble de la personnalité borderline ou le stress extrême peuvent présenter des alters comme nous, les multiples, les connaissons, ou au moins des « parties dissociatives de la personnalité », comme nous nomme cette théorie de la dissociation structurelle. – Depuis une perspective multiple, je ne comprends pas les différences, mis à part une moins bonne intégration dans le TDI (ou dissociation structurelle tertiaire) comparée à une plus grande capacité d’intégration dans la dissociation structurelle secondaire de la personnalité. 

Si le TDI n’est pas une forme de pluralité, alors à quoi sert le diagnostic de TDI ? Quelle est la différence entre le TSPT complexe et le TDI, si ce n’est pas la pluralité ? – Nous reviendrons sur ce sujet plus tard !

Le soi hanté affirme que la dissociation structurelle est devenue chronique chez ces patient-e-s atteint-e-s de troubles d’origine traumatique (page 19). Ce qui, tout d’abord, signifie que la dissociation structurelle n’est pas un trouble (d’origine traumatique) en elle-même, contrairement à ce que disent certaines personnes.

Pourtant, je fais remarquer cette citation pour une autre raison. La théorie de la dissociation structurelle idolâtre l’intégration. Et même si iels disent que « personne ne doit disparaître », iels expliquent aussi clairement aux thérapeutes qu’il ne faut pas interagir avec nous, les « parts dissociatives de la personnalité », sauf en cas d’extrême nécessité. À la place, il est suggéré que lae thérapeute parle, autant que possible, à travers la PAN qui est au contrôle. Nous, les multiples, avons alors la plus grande capacité d’intégration, ce qui signifie en gros que nous pouvons intégrer l’expérience le mieux possible, ce qui doit être constamment encouragé par lae thérapeute. Je peux comprendre pourquoi il est important que « tout le monde » écoute pendant la thérapie. Mais ça ne devrait pas être le cas quand nous nous exprimons !

Le texte continue sous l’image

Une approche systémique de la dissociation

« TOUTE intervention doit avoir pour but d’augmenter l’intégration et de diminuer la dissociation. 

Utiliser les interventions au plus haut niveau d’intégration possible, par exemple, si lae client-e peut travailler avec toutes les parties, il n’est pas nécessaire de travailler avec les parties individuellement.

Utilisez un langage intégratif. Vous pouvez parler de « parties », mais insistez sur le fait qu’il s’agit de « parties de vous ». Les parties ne doivent pas être traitées comme des individus.

Demandez-vous toujours ce qu’une partie est incapable de comprendre : voilà sur quoi devra être ciblé le traitement. »

Voici un extrait de la séance de « formulation de cas » durant la conférence sur la dissociation structurelle et sur les traumatismes dans la petite enfance donnée à Ede par uitgeverij Mens en 2019. Inclus dans le cadre du fair use dans un but éducatif. 

Il me semble qu’iels veulent nous rendre toustes comme les systèmes ATDS, dans lesquels une partie fronte régulièrement et les autres parlent à travers ellui. Et même si je pense qu’il y a un spectre dissociatif, je ne pense pas que changer les critères diagnostiques que nous remplissons du TDI vers l’ATDS nous fera « guérir ». Et selon moi, pour le TDI en particulier, exiger que toute communication passe par un-e alter (peut-être malléable ou préféré-e) ressemble beaucoup à une manière de nous faire taire. Parce que lae thérapeute (ou toute autre personne externe) ne peut jamais être sûr-e que la part qui se présente fasse remonter toutes les informations qui viennent de l’intérieur. Ce livre parle beaucoup de la honte, mais oublie que nos PAN n’oseront peut-être pas répéter ce que ces PE disent, et que ces informations seront peut-être difficiles à accepter au point de causer des symptômes dissociatifs intenses. Lae thérapeute entendra peut-être des demi-vérités.

Les auteurices de cette théorie de la dissociation structurelle expliquent que la dissociation est une expérience de séparation en des termes simples et, en des termes plus complexes, utilisent le sens du terme « dissociation », formulé par Pierre Janet (1859-1947) : « La dissociation structurelle est une organisation psychique particulière, dans laquelle existent différents sous-systèmes psychobiologiques de la personnalité qui sont excessivement rigides et relativement fermés les uns aux autres. Ces caractéristiques mènent à un manque de cohérence et de coordination dans la personnalité globale du survivant. » (Préface Le soi hanté, page 10.)

Iels comparent l’intégration à des glaçons qui fondent et dont l’eau se mélange, ou à des barrages qui cèdent et l’eau se mélange. Ce qui, pour elleux, signifie que personne ne disparaît. Tout le monde est encore là, iels font juste partie de la même étendue d’eau. Pour moi, cela ressemble plus à de la soupe, car toutes les personnes d’un système sont différentes, ce n’est pas d’eau que l’on parle. Alors on mélange nos PE et nos PAN (et ce sont des termes très limités pour décrire notre diversité) et on obtient de la soupe. Même si la soupe est quelque chose de bon, ce n’est pas la même chose que les ingrédients séparés. Une pomme de terre est une pomme de terre. Une carotte est une carotte. Mais une soupe pomme de terre-carotte est quelque chose de nouveau, de différent. On ne peut pas enlever la pomme de terre de la soupe. Ce n’est plus une pomme de terre entière. Et la soupe pomme de terre-carotte ne peut pas faire les mêmes choses que les pommes de terre et les carottes d’origine. 

Nous savons grâce à une étude complémentaire après six ans que seul-e-s 12.8% des participant-e-s ont pu atteindre l’intégration telle qu’elle est décrite dans la théorie de la dissociation structurelle (page 4).

C’est un pourcentage très bas. Dans des recherches scientifiques concernant par exemple un médicament ou une forme de thérapie, un taux de réussite de 12.8% ne serait pas toléré. Pourtant, toute la théorie derrière le traitement qui utilise la dissociation structurelle est basée sur ce chiffre.

Un trouble chronique, souvent débilitant, dont la méthode de traitement très respectée et glorifiée a un taux de réussite de seulement 12.8%, voilà qui me semble validiste. Favoriser l’ATDS par rapport au TDI trahit un mode de pensée biaisé qui favorise la singularité. Le soi hanté a un chapitre dédié à la phobie des parts dissociatives. Peut-être que les auteurices devraient-iels relire ce chapitre et l’appliquer à leur propre manière de penser. Il me semble aussi que les clinicien-ne-s nous disent des choses différentes que ce qu’iels écrivent dans leurs livres. Surtout quand il s’agit de l’intégration des alters ou de la fusion finale, comme l’appelle Kluft.

Même si je ne pense pas que « personnalités » soit le bon terme pour nous, « parties » ne l’est pas non plus. Il est péjoratif, déshumanisant et nie notre autonomie, nos rôles et notre authenticité en tant qu’individus. Et donc je me demande souvent si l’intégration d’alters qu’iels souhaitent consiste juste à ne plus être multiple aux yeux des auteurices de la théorie de la dissociation structurelle. Si c’est le cas, il est logique de nous diminuer en nous considérant comme des parties. Et il est aussi logique de dire que « personne ne doit disparaître » si iels, dès le début, ne croyaient pas que nous étions réellement séparé-e-s. Après tout, iels disent qu’il s’agit d’une « expérience de séparation », pas d’une vraie séparation ; nous ne nous sommes pas détaché-e-s les un-e-s des autres. Alors était-il progressiste d’utiliser le terme « parts » en 1987, ou était-ce une étape pour nous diminuer, nous faire douter de notre propre expérience et nous réduire au silence ?

Voici mon problème avec la manière dont la communauté TDI traite cette théorie. D’après les réactions de la communauté, il semblerait que la plupart d’entre vous ne souhaitent pas l’intégration telle que décrite dans cette théorie. Et on ne peut pas choisir les parties qui nous plaisent lorsqu’il s’agit de théories comme celle-ci. Surtout pas quand l’intégration est si essentielle à cette théorie. La théorie de la dissociation structurelle est souvent présentée comme vraie dans nos communautés, même si cette théorie n’est pas acceptée à grande échelle, pas considérée comme vraie, pas prouvée (et impossible à prouver) et qu’il s’agit juste d’une théorie comme une autre – il y a beaucoup de théories concernant le TDI.

On ne peut pas non plus dire qu’on aime ce que dit la théorie sur le TDI, mais pas sur le trouble de la personnalité borderline et vice-versa. La théorie est une formule tout compris qui explique la progression de la dissociation structurelle. Je pense que beaucoup de personnes n’ont pas lu Le soi hanté en entier, car c’est long et ennuyeux. Et même si la plupart des citations contenues dans cet article viennent des premières pages, il s’agit d’informations que tout le monde ne connaît pas. J’ai lu le livre deux fois et je suis allé-e à une conférence donnée par ses auteurices. J’espère que cet article explique bien les choses à celleux qui défendent cette théorie sans l’avoir lu. Il y a beaucoup d’autres choses discutables dans cette théorie, mais je ne peux pas toutes les aborder. 

Bien sûr, il n’est pas nécessaire de jeter le bébé avec l’eau du bain, ce n’est pas ce que je propose. Ce que je propose, c’est d’examiner à nouveau cette théorie que vous défendez et de vous demander pourquoi. 

Parce que si vous aimez seulement la partie qui dit que nous ne sommes pas détaché-e-s les un-e-s des autres, vous pouvez citer Putnam.

Et si vous aimez l’idée selon laquelle le TSPT consiste en la présence de PE et de PAN, vous pouvez citer Myers.

Et si vous aimez la fusion par l’intégration, vous pouvez citer la théorie de la dissociation structurelle. 

Article original