Je voudrais revenir sur le témoignage qui a été tourné pour France TV Slash. J’ai voulu le faire quand il est sorti et aussi quand j’en ai parlé sur le blog mais j’avais encore trop peur parce que – et ça n’a rien à voir avec la vidéo – la communauté multiple faisait l’objet d’une attaque et ça nous a affecté·es plus qu’on ne l’aurait pensé.

Je voudrais revenir sur le témoignage qui a été tourné pour France TV Slash. J’ai voulu le faire quand il est sorti et aussi quand j’en ai parlé sur le blog mais j’avais encore trop peur parce que – et ça n’a rien à voir avec la vidéo – la communauté multiple faisait l’objet d’une attaque et ça nous a affecté·es plus qu’on ne l’aurait pensé.

Je suis Cosima, même si depuis j’ai changé de surnom. Pour garder l’anonymat, j’avais pris comme surnoms pour mes alters le nom des personnages de la série Oprhan Black. Je trouvais ça drôle et les clones dans la série nous ressemblaient un peu. Mais certaines personnes n’ont pas compris et ont laissé sous-entendre que je me moquais de vous parce que mes alters avaient le nom de ces personnages… La méchanceté, ça peut aller très vite. Bref, donc je suis Cosima ^^ et je reviens sur cette vidéo pour en parler un peu plus.

D’abord je tiens à remercier Océane, la journalise qui a fait l’interview. C’est une personne adorable, bienveillante et douce, qui a été patiente et s’est toujours excusée de ses maladresses (même si y en a pas eu beaucoup). Alors oui, certaines personnes ont remarqué que le switch qui a eu lieu presque « on camera » (mais j’avais changé de pièce en fait ^^) a été souligné dans la vidéo. Et je peux le comprendre en soi. Le trouble dissociatif de l’identité, ça ne se voit pas, sauf quand on en est conscient·es et qu’y a un truc tangible qui se passe, comme une crise d’angoisse suivie d’un switch par exemple. Je pense qu’Océane a été sincèrement touchée par cet événement et que ce n’était absolument pas par fascination malsaine.

Pour en revenir au reste de la vidéo

Honnêtement, je ne m’en souviens pas bien. Je suis d’ailleurs incapable de regarder cette vidéo et de me souvenir concrètement de ce qu’elle contient ^^ Je sais que l’interview a duré bien plus d’une heure et qu’il a fallu faire tenir tout ça en 8 minutes. Et encore, cette vidéo fait partie des plus longues de la série « Dans ma tête ». Je me souviens que j’étais déjà très impressionné·e rien que par le fait d’avoir été contacté-e pour une interview, alors le stress ce jour-là… mamamia ! (J’ai switché, d’ailleurs mdr)

Tout allait bien, le stress était là mais je gérais. J’ai discuté avec Océane et Pomme (de son surnom à ce moment-là sur le blog, mais je ne sais plus si je le dis dans la vidéo ou pas). L’ambiance était calme, je me sentais en sécurité, à l’aise, nous étions seul·es dans le bâtiment, personne ne risquait de surprendre cette interview. D’ailleurs, le passage où je dis que l’hôte est un·e alter aussi, c’est un moment de discussion avant l’interview. Bref, tout était ok.
Puis, l’interview a réellement commencé et, au moment où j’ai voulu dire « j’ai un trouble dissociatif de l’identité », tout s’est bloqué. Le stress s’est transformé en angoisse et je n’étais plus capable de parler. Et ça a duré plusieurs minutes où j’ai dû sans doute me confondre en excuses ou en explications hasardeuses. J’ai réellement pensé que je n’y arriverais pas. Je mourais d’envie de dire à Pomme « Fais-le à ma place, ça te concerne aussi, t’as juste à dire que tu t’appelles Cosima, tu feras aussi bien que moi, tu feras même mieux que moi, vas-y s’te plait, moi je peux pas ». Après tout, j’avais été choisi·e pour faire l’interview mais Pomme aurait vraiment pu le faire aussi. Cependant ce n’était pas juste de demander à Pomme de mentir en se faisant passer pour moi alors que justement, j’avais peur de me révéler et qu’on ne me croie pas ou que ça sonne faux parce que j’en aurais parlé avec trop de désinvolture. Et même si personne n’en aurait jamais rien su à part Pomme, Océane, le caméraman (pardon, j’ai oublié son prénom, alors qu’il a été très gentil lui aussi !) et moi, moi je l’aurais su, Pomme aussi, et je n’aurais plus pu me dire que je pouvais donner de la force aux autres personnes multiples pour être elles-mêmes après ça.

« Comme c’est un trouble qui se cache, le dire c’est déjà trop »

Et ça peut causer une angoisse d’une telle ampleur… D’un coup, j’avais perdu toute confiance en moi, j’avais l’impression de mâcher mes mots, de parler n’importe comment, d’être nul·le. Comme si j’allais dire n’importe quoi, comme si j’allais faire de la désinformation, comme si je ne m’y connaissais pas assez, comme si je n’étais personne… pour parler de mon propre vécu. Bref, je suis sorti·e de la salle avec Pomme. J’ai voulu fuir. Et j’aurais peut-être fui si je n’avais pas trouvé une porte close au bout du petit couloir pour sortir du bâtiment par un autre accès que celui principal. L’angoisse, la détresse. Je me souviens avoir parlé avec Pomme, qui essayait de me rassurer, mais je ne me souviens pas de ce qui a été dit. Je me souviens juste parler à voix basse parce que je portais le micro, et je ne saurai sans doute jamais si Océane a entendu ce moment. Je voulais hurler à Pomme « Fais-le à ma place, fais-le à ma place », mais j’en étais incapable.

Alors, je ne sais plus si je lui ai demandé ou si c’était sa proposition mais, il a été décidé que l’interview se passerait sans la présence de Pomme, pourtant rassurante. De cette façon, je n’avais plus le choix. Je regrette, beaucoup, que Pomme n’ait pas pu être là. Mais il fallait que je n’aie plus le choix pour activer le mode « Il faut le faire, go ». Et j’ai switché. Celle que j’appelais Alison du temps des surnoms d’Orphan Black, mon alter sociale depuis plusieurs années, m’est passé devant. Elle était peut-être aidée de Jenn’, une alter sociale avant Alison. Je pense qu’avec elle·s, Sarah, protectrice, s’est glissée entre les pensées irrationnelles d’angoisse et nous. Bref, tout le monde s’est mis à son poste. Les angoisses n’étaient plus assez fortes pour nous envahir et nous bloquer parce que… nous étions coincé·es et qu’il n’y avait plus d’issue. Go.

Et là, je suis revenue auprès d’Océane, avec cette pointe de stress absolument gérable. La voix toujours légèrement tremblante à cause de la crise que je venais d’avoir, mais confiante, assurée, posée. Je me souviens que j’étais derrière, je donnais les pensées et Alison les formulait en phrases claires. Aidée sans doute par Jenn’, qui ponctue ses phrases par des « haha » quand elle est un peu mal à l’aise (mais moi aussi je fais ça, alors je n’en suis pas certaine). Je me souviens avoir parlé de beaucoup de sujets, y compris de traumas, que j’ai évoqués comme s’ils ne m’atteignaient plus, parce qu’à ce moment-là, j’étais protégée par mes alters. Parce que j’étais fonctionnelle mais dissociée, en fait.

Je suis content·e que toute la partie sur les relations ait été gardée dans la vidéo finale. D’abord, parce que c’était vraiment important pour moi de parler de ce sujet en particulier, et ensuite, parce que je m’en veux toujours un peu que Pomme ait dû sortir. Sans Pomme, cette interview n’aurait pas eu lieu. Sans Pomme, je ne serais pas là où j’en suis aujourd’hui. Sans Pomme, la vie n’en vaudrait vraiment plus la peine, tout simplement.
Et je suis content·e du rendu final, même si je ne parviens pas toujours à le regarder parce que je déréalise, parce que je sais que ce n’est pas vraiment moi, parce que j’ai fait une crise dissociative en plein milieu, je ne sais pas exactement. J’apprécie, beaucoup, que le switch qui a eu lieu n’ait absolument rien de spectaculaire. Pas de latence, pas tellement de différence dans la voix, un peu dans l’assurance et la respiration mais globalement, ce switch est simple et peu perceptible pour les personnes qui ne l’auraient pas vu dans un contexte ordinaire, comme c’est généralement le cas quoi.

En résumé, je suis content·e d’avoir fait cette interview

Après la sortie de cette vidéo – et encore une fois, ça n’a rien à voir avec elle -, on a arrêté Partielles. Pendant un an. C’est vraiment un an après le tournage (pas la sortie, le tournage) qu’on a réalisé qu’on avait abandonné. Alors qu’on voulait, justement, donner de la visibilité, des informations justes et claires sur la multiplicité, on avait abandonné. C’était dommage. On a donc revu cette vidéo. Je l’ai oubliée encore une fois mais j’ai lu les commentaires. Il y en avait de vraiment doux et bienveillants, d’autres plutôt bizarres, d’autres que je n’ai pas compris, certains moins sympa, et d’autres qui sous-entendaient que je mentais. Et ces derniers ne m’ont rien fait. Parce qu’en fait, après un an, après ce tournage, après les problèmes qu’on a eus, je n’avais plus peur que des inconnu·es sur Internet me disent « tu mens ». Iels ne sont personne pour me juger, pour juger de la véracité de mes propos. Et honnêtement, surtout pas quand leur argumentaire se base sur le surnom de mes alters… J’ai compris que je valais mieux que ces personnes malveillantes, « sceptiques » diraient-elles, qui jugent sans savoir, sans connaître.

Et puis surtout, je me suis concentré·e sur les commentaires gentils. J’ai lu toutes ces personnes qui ont été touchées par mon témoignage. J’ai lu toutes ces personnes concernées qui ont trouvé cette vidéo belle, douce, agréable, bien amenée. J’ai lu toutes ces personnes qui ont été émues en la regardant. J’ai lu ces personnes qui ont trouvé des réponses dans mes paroles. Et j’ai eu envie de relancer Partielles. Pomme aussi. Alors, on a repris. Mais ce n’était pas comme quand j’étais bloqué·e au bout du couloir, non, j’ai repris par envie, par bienveillance, par ce truc qui pulse au fond de mon être et qui dit « J’ai des infos, je veux les partager, je veux aider, je peux aider, je peux être quelqu’un·e pour aider au moins quelqu’un·e d’autre que moi ». Sous-entendu : parce que moi, je n’en ai plus autant besoin aujourd’hui.

Parce que c’est ça, le TDI

À cause des traumas, de la stigmatisation et de l’invalidation, en parler, c’est difficile, effrayant, angoissant et déstabilisant. Grâce à la protection des alters, on peut quand même réussir à faire des choses insurmontables quand il le faut vraiment, oui. Mais surtout, en travaillant en équipe, en système, on se renforce les un·es les autres. Je le dis d’ailleurs dans la vidéo, il ne faut pas laisser la peur gagner. Au moment du tournage, j’avais, je pense, encore peur de mes alters et de ma multiplicité. Aujourd’hui, iels ne me font plus peur. Ce n’est plus la peur qui nous fait avancer, mes alters et moi. Parce qu’on communique, on se fait confiance, on se connait. Au moment du tournage, je pensais les connaître mais je ne les connaissais pas vraiment bien. En plus, je ne les connaissais pas tous·tes (et ce n’est toujours pas le cas d’ailleurs, mais ça non plus, ça ne me fait plus peur). Au moment du tournage, j’étais en mécanisme de survie. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Rarement, en tout cas. Et surtout, ce n’est plus le cas pour faire des trucs sur Partielles. Je reste anonyme parce que je peux encore avoir peur du monde – qui reste effrayant, avouons-le -, plus parce que j’ai peur de ma multiplicité.

Alors, juste, je vais affirmer une nouvelle fois ce qu’on dit à la fin de la vidéo : n’ayez pas peur. Même si vos alters vous ont joué de vilains tours (croyez bien que les mien·nes aussi), ne vous laissez pas avoir par la peur, aussi familière soit-elle. Communiquez entre alters. Essayez de vous comprendre.
Apprenez à vous faire confiance et vous y arriverez.