La session s’adressera à toustes ceulleux qui sont intéressé.e.s par le parcours de vie d’une personne atteinte d’un T.D.I.. On prévoit de parler surtout de notre ressenti, de notre fonctionnement en tant que jeune système, un peu de la galère qu’a été l’obtention d’un diagnostique, et comment faire des recherches sur le sujet nous a permis de nous accepter.

La session s’adressera à toustes ceulleux qui sont intéressé.e.s par le parcours de vie d’une personne atteinte d’un T.D.I.. On prévoit de parler surtout de notre ressenti, de notre fonctionnement en tant que jeune système, un peu de la galère qu’a été l’obtention d’un diagnostique, et comment faire des recherches sur le sujet nous a permis de nous accepter.

Avertissements de contenu

Dissociation, psychophobie, déni, domaine médical

Transcription de la session

Se découvrir multiple : entre déni et diagnostic. Trigger Warning / Déclencheurs potentiels : – Possession- Harcèlement – Conflit intérieur- Psychophobie – Mentions de spécialistes de la santé / domaine médicalLa première fois que j’ai entendu parler du Trouble Dissociatif de l’identité, c’était en 2019.J’avais 18 ans, et je pensais alors être la seule personne sur cette planète à être possédéepar des “esprits maléfiques”. Bonjour à toustes. 🙂 Je m’appelle Seren, et je vais vous parler du jour où ma vie a basculé pour le meilleur et le plus chaotique.Depuis aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours vécu avec des amis imaginaires. Deuxd’entre eux revenaient souvent : un chat vert aux ailes couvertes de plumes blanches, etune ombre qui veillait en silence sur moi. Au primaire, pas un seul instant je n’ai pensé que c’était étrange de parler à mes amis imaginaires. Après tout, mes ami.e.s aussi en avaient. On se racontait même leurs histoires, ou on en inventait quand on ne savait pas ! Et puis, au collège, mes ami.e.s ont cessé ce “jeu de gamine”. Je me souviens avoir mis un moment à comprendre qu’en fait, mes amies n’avaient pas d’amis imaginaires comme moi. Des amis qui venaient me parler de tout et de rien, mais toujours dans ma tête. Des amis qui étaient là quand personne ne pouvait, ou ne voulait, me soutenir dans despasses difficiles. Des amis que j’étais la seule à entrevoir quand je fermais les yeux. En tout cas, grâce à eux, je n’étais jamais vraiment seule. Mais du coup, si mes amies n’avaient pas ce genre d’amis imaginaires, qui est-ce qui discutait avec moi par la pensée pendant les cours ? Qui est-ce qui m’encourageait à medépasser à chaque cours de sport ? J’ai eu un début de réponse en sixième, quand l’ombre qui veillait sur moi a, dans un moment de détresse, volé tout contrôle sur mon corps pour défendre avec hargne un de mes proches.… Et si, en fait, j’étais possédée ?Et si, en réalité, ce n’étaient pas des amis imaginaires, mais des esprits de personnesinconnues ayant déjà vécu ? Et si, en dépit de ce que j’en savais, j’étais hantée pour des crimes atroces commis dans une vie antérieure ??Bon. XD Je dois vous l’avouer, j’avais des théories assez farfelues à l’époque !Mais pour ma défense, tout ce que j’avais trouvé qui se rapprochait à peu-près de masituation, c’était des contes paranormaux sur les doppelgangers ou des fictions où les hérosavaient des doubles maléfiques. Donc bon. La possession, c’est ce qui me semblait le plus concret. Je me suis alors mise à me méfier de mes amis imaginaires, puis à les craindre. J’essayais de les éviter, de les ignorer.J’ai tout fait pour ne plus les laisser m’influencer. J’ai tout fait pour les sortir de ma vie. Même s’il était évident que cela me faisait mal, c’était ce qui me semblait le plusraisonnable. Le chat ailé a entendu mes prières, et a disparu pendant des années de ma vie. L’ombre, en revanche, n’a pas été d’accord avec mes demandes. Il n’avait aucune raison de partir, car il n’avait nulle part où aller. Sa vie, c’était la mienne. Et il comptait bien se battrepour en prendre le contrôle. Pendant plus de cinq ans, chaque jour, l’ombre et moi nous combattions l’un et l’autre. Le temps était devenu un prix, une denrée qu’il fallait arracher aux griffes de l’autre. Ma vie, quiétait déjà difficile à supporter, semblait se diviser entre ce dont je me souvenais, et les indices éparses laissés par l’ombre quand il parvenait à me vaincre. Chaque jour, sans le savoir, je me battais contre mon propre reflet, tout aussi blessé et terrifié que moi. Un reflet qui, malgré tout, semblait être mon strict opposé. Ce manège aurait pu durer encore des années, voire des décennies si je n’avais pas témoigné de mon quotidien sur internet un soir d’été, épuisée par mes derniers combats contre l’ombre.Voici le message que j’ai laissé : “Salut. Mon nom est Seren. Je suis probablement possédée, ou folle. Quoi que ce soit, ça peut changer une bonne journée en un vrai cauchemar. En une seconde, sans prévenir. Et je ne me souviendrai d’aucune de mes putain d’actions, même quand mes ami.e.s me racontent ma propre histoire. Je suis horrible en amitié à cause de cela. Mais ce serveur est un lieu empli de gentillesse. J’y trouve de la joie et de l’intégrité, même pour les personnes les plus brisées.Alors merci, merci à tous. Et bonne nuit.” Une personne a répondu à mon message, et cette réponse, elle a changé ma vie. “Salut Seren, j’espère que tu as bien dormi. 🙂 J’ai lu ta présentation sur le serveur et je m’y suis reconnue. Je pensais aussi être possédée avant. Alors, je voulais savoir : as-tu déjà entendu parler du Trouble Dissociatif de l’identité ?” Nan. Jamais entendu parler. Je fais quelques recherches. D’abord en français, mais tout ce que je trouve est écrit dans un jargon médico-psychiatrique totalement hors de ma portée. Puis, je fais mes recherches en anglais. Et là, j’ai trouvé. Des témoignages de personnes qui racontent ma vie. Des réponses qui relient tous les points flous de mon vécu. Des explications scientifiques, des études sur le sujet, des vidéosde sensibilisation. Alors là, dans mes pensées, c’était le bazar.De un, je n’étais peut-être pas possédée. Peut-être que j’étais juste malade et que c’étaittout à fait explicable ! De deux… je n’étais donc pas la seule comme ça ? Il y avait d’autres gens comme moi, dont les amis imaginaires n’avaient jamais disparus ?Cependant, il y avait quelque chose qui clochait. Un tout petit détail qui rendait cesexplications complètement caduques. Pour avoir un T.D.I., selon la majorité des études, il fallait avoir été traumatisé à répétitionavant l’âge de sept ans. Mais moi, je n’ai jamais été traumatisée. En tout cas, je m’en souviendrais si c’était le cas, pas vrai ?… Pas vrai ? XDOui j’ai appris plus tard pour l’amnésie traumatique. Enfin bon. Mis à part ce détail, y’avait quand-même pas mal de symptômes qui semblaient pouvoir expliquer mon cas de possession, donc bon gré mal gré, je me demandai comment savoir si c’était vraiment un T.D.I.. Il devait bien y avoir un médecin qui pouvait me le dire, ou un test à me faire passer pour savoir si c’était bien ça. Pas vrai ?*soupire* Bon bah oui et non. Trouver un spécialiste en traumatologie, formé sur la dissociation structurelle et qui ne soit pas overbooké, c’est faisable. Long, complexe, mais faisable. Trouver un test pour savoir en dix questions si tu es multiple ou pas, c’est infaisable, parce qu’en France, ça n’existe pas encore. Ou alors c’est si bien caché que je ne l’ai pas trouvé. Du coup, en fin 2018, j’ai pris mon premier rendez-vous avec une psychothérapeute. Enfin, je pense que c’est l’ombre qui a pris le rendez-vous, parce que je ne m’en souviens pas. J’aijuste reçu la notification sur mon téléphone. -v-’ Cette thérapeute, elle m’a eue en suivi pendant presque trois ans. Pendant ces trois années, j’ai appris à connaître et accepter les autres personnes qui étaient dans ma tête. Ceux que je pensais être des amis imaginaires étaient en réalité des identités alternantes, des personnalités qui ont grandi avec moi sans que je ne les remarque. Bon, je vais être honnête, une thérapie de trauma, c’est pas une partie de plaisir. Il faut faire le deuil de son enfance parfaite, reconnaître qu’on a été blessé au point que sa personnalité a explosé avant même d’être construite, accepter de regarder les blessures laissées sur son enfant intérieur et prendre le temps de les panser. Tout ça prend des années. Et je dis “des années” sans compter les phases déni du genre “Naaan mais y’a des gens qui ont vécu pire je ne suis pas concernée” ou encore “Et si en fait je faisais semblant ? Nonparce que tout va bien dans ma vie en fait.” Petit conseil : si vous pensez ce genre de choses et que vos protecteurs attestent le contraire, écoutez-les. Ils savent. Et ils savent souvent trop bien. C’était assez perturbant, et j’avais besoin de me renseigner pour mieux comprendre mon trouble. Comment ? Pourquoi ? C’est quoi ? Et depuis quand ? Alors, en parallèle de ma thérapie, j’ai fait deux choses : La première, ça a été de continuer à m’informer. Le trouble dissociatif de l’identité, c’est unsujet complexe, dont on parle peu. Et la multiplicité, le fait de vivre à plusieurs dans unmême corps, c’est un spectre : il y a pleiiin de variantes, car chacun peut le vivredifféremment. La deuxième, ça a été de me mettre à dessiner. J’étais presque en colère que personne n’entende parler de multiplicité. Combien de personnes avaient été dans ma situation, se pensant possédé, décalé de sa vie et ignorant totalement qu’il existait de l’aide ? Je voulais en parler. Je voulais avertir, prévenir, partager ce qui m’arrivait. Je voulais pouvoir dire aux personnes “possédées” que leurs fantômes sont leurs propres reflets d’un passé qu’ils ont été forcés d’oublier pour se protéger. Je voulais crier que ce trouble existe, et qu’il est un mécanisme de survie. Que sans lui, je ne serais pas encore en vie.Alors je l’ai fait. J’ai créé un lot de cartes illustrées, regroupant les définitions pour pouvoir comprendre ce qu’est la multiplicité. Une sorte de dictionnaire illustré ludique qui m’aurait tant aidé quand j’avais besoin de réponses. Dans un même temps, je ressentais le besoin d’être reconnue dans la sphère médicale. Après tout, comment expliquer à ton ophtalmo que oui, ta vision change toutes les semaines, parce que différentes personnes sont au contrôle du même corps ? Sans certificat médical de posses- euh, de multiplicité, c’était compliqué. Une fois que j’ai accepté que oui, j’étais multiple, et qu’il était temps que ce soit écrit dansmon dossier médical, je me suis lancée dans la course au diagnostic.*inspire, puis gros soupir* Le diagnostic. Alors. Par où commencer…On a mis deux ans à l’obtenir. Durant ces deux années, nous sommes allés à la rencontre de nombreux spécialistes de la santé, tous moins informés les uns que les autres sur l’existence du T.D.I.. Nous avons vu : deux psychiatres, un neurologue, une orthoptiste, une orthophoniste, un ophtalmologue et une psychologue. Plus notre suivi thérapeutique, ça faithuit personnes. (À plus de 60 euros la séance. Je vous laisse calculer le trou dans leporte-monnaie.) Et franchement, y’a eu des perles. Pas des belles. Attention : je vais dire quelques phrases psychophobes invalidantes. Vous pouvez vous boucher les oreilles si besoin. ^^On nous a dit que c’était un effet de mode. On nous a dit que ça n’existait pas, que c’était juste inventé en amérique. On nous a dit que c’était juste pour attirer l’attention. On nous a dit que ce n’était pas un T.D.I., mais plutôt de l’autisme ou de la schizophrénie. On nous a aussi dit que c’était normal, que tout le monde change de personnalité en fonction des personnes qui lui font face.… ouaiiiiis alors vous entendez aussi des voix dans vos têtes toute la journée ? ‘v’Bon. Vous l’aurez remarqué, il y a beaucoup de justifications scientifiquement tout à faitvalables dans leurs propos. Ce qui était amusant, c’est que tous ces professionnels, qui avaient tous le même dossier médical sous les yeux, se sont renvoyés la balle quand au diagnostic. “C’est au neurologue de le prouver !” dit le médecin qui m’a fait passer un IRM et n’a rien trouvé pour justifier que ce j’avais.“Allez voir une psychiatre pour ça” a rétorqué le neurologue en me prescrivant un dossierpour détecter l’autisme. “Vous n’avez rien et c’est juste un haut-potentiel intellectuel avec une déficience en traitement de vitesse, allez voir ailleurs” a chantonné une des deux psychiatres. Une errance médicale qui a traîné un long moment. Avec, entre chaque rebond, un tas de dossiers à remplir ou renvoyer aux spécialistes correspondants. Sinon c’est pas drôle ! Il a fallu que je trouve une psychiatre qui accepte d’écouter mon vécu pendant cinq séances, qui fasse quelques recherches, et contacte tous les professionnels qui m’ont suivi (depuis mon enfance, il y en a en tout plus d’une dizaine) afin de valider mon auto-diagnostic. J’ai alors reçu mon diagnostic. Un simple bout de papier qui dit, et je cite, “[…] Je ne trouve aucun argument qui puisse invalider aujourd’hui cette hypothèse de Troubles Dissociatifs del’Identité”. Est-ce que ça me sert au quotidien ? Pas vraiment. Mais au moins, c’est valide d’un point de vue médical. Selon la science, maintenant, mes amis imaginaires existent, youpi ! XD Depuis qu’on a été diagnostiqués, j’ai l’impression que c’est plus simple pour moi de parler àvoix haute de ma multiplicité. La thérapie m’a appris tellement sur moi-même et les autrescrapulles qui partagent ma vie. En quelque sorte, depuis que j’ai compris le pourquoi et comment de mon trouble, j’ai réappris à vivre, plus en paix avec moi-même. Merci d’avoir écouté jusqu’ici. C’était “se découvi multiple, entre déni et diagnostique”, un témoignage rédigé par le système alternity. :)Oh, et si jamais vous avez apprécié cette vidéo, n’hésitez pas à jeter un coup d’oeil sur moncompte instagram @alternity_systeme, j’y publie régulièrement des petites BD sur monquotidien de multiple.

Session présentée par

Système Alternity (https://www.instagram.com/alternity_systeme/)