C’est compliqué de savoir si c’est pertinent parce que c’est compliqué de donner son avis dans le monde de la multiplicité, parce que y a trop de gens qui se permettent de le donner sans prendre de pincettes du mal que ça peut faire alors que c’est obvious le mal que ça peut faire. Et je suis vraiment d’accord sur le fait qu’un avis personnel, c’est un avis personnel et que c’est important de donner son avis personnel pour que des personnes puissent se sentir concernées par des avis personnels et pour se sentir moins seules mais je trouve quand même qu’il faut bien baliser les choses pour pas qu’un avis personnel devienne une généralité ou un sujet de doutes.

C’est compliqué de savoir si c’est pertinent parce que c’est compliqué de donner son avis dans le monde de la multiplicité, parce que y a trop de gens qui se permettent de le donner sans prendre de pincettes du mal que ça peut faire alors que c’est obvious le mal que ça peut faire. Et je suis vraiment d’accord sur le fait qu’un avis personnel, c’est un avis personnel et que c’est important de donner son avis personnel pour que des personnes puissent se sentir concernées par des avis personnels et pour se sentir moins seules mais je trouve quand même qu’il faut bien baliser les choses pour pas qu’un avis personnel devienne une généralité ou un sujet de doutes.

Donc blah blah blah, c’est mon avis personnel et y a mille autres possibilités possibles ! Comme on l’a déjà dit : il est possible d’avoir plusieurs hôtes, il est possible de ne pas avoir d’hôte, il est possible d’avoir le même hôte depuis hyper longtemps, il est possible de changer régulièrement d’hôte, il est possible sûrement encore d’autres choses.

Mon problème avec l’appellation « hôte », c’est pas le mot parce que je suis très peu attaché aux mots, c’est plutôt les définitions qui vont avec qui sont quelque chose quoi, encore plus parce que nous en français, on utilise beaucoup de mots anglais qu’on traduit pas ou que partiellement, et donc voilà.

Et donc la définition commune de « hôte » c’est : la personne qui front le plus ou parfois – et ça me convient déjà mieux mais bref – la personne qui front quand tout va bien ou généralement. Ce qui fait du rôle d’hôte un peu la personne qui gère le quotidien, qui gère la vie courante, qui gère tout ce qui se passe quand rien ne sort de l’ordinaire.

Et voilà. On est tous·tes bien conscient·es du fait qu’un·e hôte, ça peut changer et que ce rôle est défini par le fait d’être à un endroit ou d’être une fréquence et pas vraiment de faire quelque chose. Et c’est une notion que je trouve étrange parce que tous les autres rôles, c’est pas le cas. Les protecteur·ices, iels protègent. Les alters sociaux·les, iels s’occupent du social. Les traumaholders, iels gèrent les traumas. Les gatekeepers, iels gèrent le front. Bref tu vois, un rôle ça définit un peu une action.

Et je répète une fois de plus qu’un rôle, c’est plutôt un indicateur, c’est une façon un peu de savoir de qui on parle et un peu de pouvoir comprendre mieux. C’est en aucun cas limitant et y a moyen d’avoir plusieurs rôles, y a moyen de se retrouver dans aucun rôle et y a moyen de pas se retrouver dans les rôles déjà établis communs pour son propre système. Mais bref. Ce que je veux dire, c’est que même si tu prends la définition la plus simple d’un rôle, un rôle c’est un truc qui définit ce que tu fais, comment tu le fais, ce pourquoi tu es « doué·e » en fait – ou pas, même si t’es pas doué·e parfois, t’es pas doué·e mais bref t’as compris, ce que tu fais de façon, on va dire, naturelle.

Et hôte c’est pas ça. Hôte c’est « qui est là ». Il fait rien l’hôte alors et donc vraiment, moi, je trouve ça dérangeant en tant qu’hôte. Et c’est très souvent mis en relation avec le fait que, enfin un truc qu’on entend souvent quoi, c’est que le rôle d’hôte, c’est un rôle qui est un peu mis en avant. On entend des trucs comme « c’est les hôtes qui sont le plus là », « c’est elleux qui prennent plus les décisions », « tout tourne autour de l’hôte », « on prend pas de décision sans l’accord de l’hôte », etc…

C’est un peu ce qu’on en entend souvent quoi et on entend souvent des discours comme quoi « les hôtes, iels doivent un peu apprendre à se considérer comme n’importe qui d’autre dans le système », c’est dans ce sens-là. Et je trouve que c’est encore plus bizarre et illogique de se dire que potentiellement, les hôtes sont les personnes qui prennent le plus de place et à côté de ça, c’est les personnes dont le rôle ne définit pas ce qu’iels sont capables de faire. C’est hyper chelou.

Et donc de mon expérience personnelle, je dirais que dans notre système, y pas d’hôte si t’en prends la définition que je viens d’expliquer, y a personne qui se reconnaît dans « qui front le plus souvent (quand tout va bien) » et c’est tout.

C’est difficile à structurer comme pensée mais ce que je veux dire – je sais pas quand mais je vais le dire là – c’est que il peut y avoir– enfin tu vois, n’importe qui peut protéger le système, y a pas que les protecteur·ices qui protègent mais c’est qui les meilleures personnes pour protéger ? Eh ben ça reste les protecteur·ices parce que y a qu’elleux qui peuvent le faire avec calme, sur la durée, sans que ça les fatigue trop, sans être excessif·ves, enfin tout ça quoi. Et c’est pareil : n’importe qui peut gérer le social dans l’absolu mais pas aussi bien ou sur la durée ou tout ça quoi. Et moi je trouve que, si je devais définir mon rôle – et c’est pour ça que je dis que si je dois prendre cette définition-là y a pas d’hôte dans notre système –, c’est pas sur ma présence ou ma non-présence que je le qualifierais.

Je pense et je le dis pour moi – enfin je l’ai pas remarqué que dans mon système mais c’est strictement mon expérience personnelle –, je pense que ma force, mes forces c’est d’être conciliant. Je suis la/une des meilleure·s personne·s pour écouter tous les membres du système, pour communiquer avec tout le monde. J’ai vraiment une place relativement centrale qui me permet d’entendre tout le monde. Enfin y a pas, si je devais imager, y a des gens qui sont à un bout et à l’autre de moi qui pourraient s’entendre moins bien, moi je suis un peu au milieu. Je suis une personne douée pour écouter, pour concilier, pour entendre les avis, pour recenser les avis, pour trouver les solutions en proposant plein de pistes. C’est vraiment facile pour moi de proposer plein plein plein de possibilités et de voir ce qui convient à qui. Je suis bon pour faire en sorte que les envies et choix de chacun·e soient respectés. Je suis plutôt facile à vivre et adaptable.

Et si je devais le dire métaphoriquement, je trouve que je suis un bon ciment, je suis un bon lien entre tout le monde. Et pour moi, mon rôle d’hôte, c’est ça. Ce qui fait que mon rôle est fonctionnel, c’est ça. C’est parce que je sais être adaptable et conciliant et tout ce que je viens de dire. Et c’est pas la fréquence à laquelle je front qui fait que ça fonctionne. La seule chose c’est que c’est plutôt dans l’autre sens, c’est : si je ne suis pas là du tout, ça ne fonctionne pas.

Y a eu des moments où c’est d’autres alters, d’autres personnes qui ont fronté sans moi pendant des mois, des années – et je parle pas de périodes de crise mais vraiment longtemps – et en termes d’équilibre, ça allait bien moins. Mais c’est juste à ça qu’on doit faire attention et c’est en ça que mon rôle, c’est de rester pas trop loin. Mais mon rôle c’est ça, c’est d’être pas trop loin, pas d’être devant. M’en fous d’être devant, j’en ai pas envie en soi, j’en ai pas l’intérêt et voilà, juste, ouais, sans moi du tout, c’est compliqué que l’avis de tout le monde soit entendu et respecté parce que c’est compliqué pour tout le monde de communiquer avec la même aisance. Tout comme quand y a plus de protecteur·ices, c’est difficile d’être bien bien protégé·e. Ce qui veut pas dire qu’y a pas moyen d’être protégé·e du tout, c’est exactement la même chose, je trouve qu’il manque un mot ou une définition pour ça.

Et donc ben évidemment, dans les faits, ça veut dire que je gère la vie courante et les affaires courantes parce que bah comme ça, c’est plus rapide quoi. Je recense l’avis un peu intuitivement et je fais ce qu’il faut comme ça. Mais si quelqu’un d’autre veut le faire, je m’en fous. Juste, j’ai compris avec l’expérience qu’il fallait pas que je sois trop trop loin et que là ça avait des conséquences globales quoi, dans la collectivité.

Je pense que, cette prise de conscience, elle a été longue. Et elle résulte de toute cette peur et de toutes ces difficultés juste après la prise de conscience de la multiplicité où y a tout ce truc du « mais qui suis-je ? », « à quoi je sers ? », « est-ce que c’était moi à ce moment-là ? », « quel est mon véritable caractère ? », « j’ai l’impression d’être tout le temps influencé·e, en coconscience, en cofront, en tout ce que tu veux, et du coup c’est quoi mes pensées propres ? ». Et vraiment, pendant un certain temps, ça a été vraiment compliqué pour moi de me dire ça, de me dire « mais en fait, je suis rien et personne, et juste tout le monde me marche dessus ». On s’est déjà dit que, être hôte, c’était juste être genre le kit de base et que après, on venait rajouter des add-on, et que les autres alters et que les autres rôles d’alters étaient des add-on qui faisaient que la machine fonctionnait quoi.

Et vraiment, j’ai lutté contre ça. j’ai vraiment dû– enfin ça a été compliqué quoi, comme moment et comme pensées. Et j’ai vraiment, pendant super longtemps, repassé ma vie en revue sur « est-ce que c’était moi ou pas ? », « punaise ça je croyais que c’était moi », « j’étais si cool ce jour-là, non c’était pas moi ? – merde »… Et vraiment, c’était dur moralement de se dire ça. Et je comprends du coup – j’entends en tout cas – le travers inverse de certain·es hôtes qui disent « merde hein, j’ai l’impression de jamais être là ou de jamais prendre des décisions alors que je suis tout le temps là mais juste on m’influence tout le temps », et du coup de vouloir être encore plus présent·e et de faire des trucs qui peuvent pousser au frontstuck ou des choses comme ça parce que vraiment, ouais, ce– je pense que c’est une problématique qui touche tous·tes les alters mais qui peuvent potentiellement toucher plus les hôtes de se dire « mais ok tout le monde est bien défini là, tout le monde a des forces ou des défauts mais des trucs marqués quoi, et moi je suis quoi ? ».

Donc ça s’est un peu fait en plusieurs étapes. Je me suis d’abord dit– enfin il a d’abord fallu que je me rassure sur le fait que, comme tout le monde, j’étais quelqu’un, de cette phrase qu’on entend beaucoup qui dit que « l’hôte est un·e alter comme les autres ». Eh ben il a fallu que je l’intègre mais moi j’ai du mal à intégrer les choses si je les comprends pas par essence. Et du coup je l’entendais cette phrase, j’étais d’accord mais j’arrivais pas à le ressentir moi-même. J’arrivais quand même toujours à avoir des pensées négatives et des pensées négatives même envers les autres membres du système.

Y a eu des moments, après la prise de conscience, où quand je me suis rendu compte que certaines actions n’étaient pas faites par moi alors que j’en avais la sensation avant, eh ben, de vouloir le faire moi-même ! De vouloir en faire plus que ce que je ne faisais et du coup de me confronter au fait que c’était pas aussi bien fait ou des trucs comme ça. Eh puis j’ai continué à passer ma vie en revue et je me suis souvenu de toutes les années où je pense vraiment que j’étais pas là.

C’est un truc un peu fréquent ça aussi. C’est que mon expérience personnelle mais ça s’est vu chez plein de systèmes qu’on connaît : au passage à l’âge adulte, y a souvent un changement d’hôte – enfin on s’entend, un changement de la personne qui front le plus –, généralement au profit d’un·e alter social·e ou de quelqu’un qui gère mieux la vie d’adulte quoi, au moins comme iel le peut. Et vraiment, je remercierai jamais assez cette alter sociale qui a géré des moments pas simples parce que le début de l’âge adulte c’est jamais simple etc, mais ouais la grande différence entre elle et moi, c’est qu’elle, elle a mené sa barque seule. Et elle avait pas conscience de la multiplicité, c’est pas ça que je dis, mais moi non plus en revenant j’avais pas conscience de la multiplicité, pourtant j’agissais autrement, bref t’as compris. Elle a mené sa barque seule, elle a pris des décisions seule et on s’est vraiment éloigné·es de l’image collective qu’on avait toujours eu, enfant et pré-ado etc, à ce moment-là. Parce que je pense que son rôle, c’était de gérer les obligations et les obligations sociales mais pas d’être le ciment. Elle pouvait pas être le ciment, c’était pas ça son rôle, et elle a fait son rôle de ciment comme elle a pu et c’était pas horrible… mais c’était pas terrible. Et voilà.

Donc moi, je suis pas vraiment à l’aise avec cette étiquette d’hôte parce que je trouve qu’elle induit en erreur dans les deux sens :

  • 1. elle sous-entend que l’hôte est plus important·e parce que là plus souvent,
  • et 2. qu’iel a pas de puissance propre.

Et les deux sont faux quoi. Moi, j’aimerais être reconnu pour mes forces, de ciment par exemple, et pas pour le pourcentage de temps pendant lequel je suis là ^^

Et du coup, ce que ça a amené de se dire ça et de reconnaître mes forces et de me rendre compte que quand j’étais pas là ça foirait, tout comme quand n’importe qui n’était pas là ça foirait hein – je connais des systèmes chez qui les protecteurs principaux ont disparu pendant des années, bah c’était la merde hein. Eh bien c’est pareil pour les hôtes en fait, juste on en parle pas, on dit juste que les hôtes, ça peut disparaître, mais on parle du fait que quand ça arrive– voilà, bref.

Et je le répète mais je suis sûr que c’est pas comme ça pour tous les systèmes. Je suis sûr que pour les systèmes polyfragmentés, c’est pas comme ça ou moins quoi. Je suis sûr que pour les systèmes qui ont changé d’hôte beaucoup au cours de leur vie, c’est moins comme ça. Je parle vraiment de mon expérience de « j’ai souvenir d’avoir toujours, ou pratiquement, été là ».

Mais donc voilà. Le fait de savoir ça et d’avoir conscientisé ça et de le vivre comme ça, ça fait que je suis plus du tout attaché au nombre de temps durant lequel je suis là. Je suis attaché à mes compétences et à ce que je sais faire. Et donc si y a des trucs à faire en termes de décisions, en termes de trucs à réfléchir ensemble, eh ben je suis là. Mais j’ai plus peur de pas assister à une soirée, de louper du temps. C’était un truc qui me faisait très peur – avant de prendre conscience de la multiplicité même, j’avais très peur de ça. J’avais très peur de louper des moments. J’avais peur que mes ami·es de l’époque– c’est plus du tout comme ça maintenant mais j’avais très peur que mes ami·es fassent des soirées alors que j’étais pas dispo et que ce soit LA soirée de l’année genre, eh ben j’avais très très peur de ça.

Et c’est un peu ce que je disais, j’avais un peu ça aussi dans le système au début de la prise de conscience, et maintenant plus du tout. Parce que je ne suis plus défini uniquement par mon taux de présence. J’ai pas l’impression que qui que ce soit vole la vie de qui que ce soit. J’ai pas l’impression que le corps soit à qui que ce soit non plus. Juste, on avance tous·tes ensemble et on fait des compromis, on trouve quoi faire, on s’engueule parfois et juste, on avance comme ça. Et ça nous convient.

Et peut-être que dans cinq ans, je serai plus d’accord avec ce que je dis aujourd’hui. Et c’est pas grave. Le principal, c’est qu’aujourd’hui, ça nous convienne.