Salut, je suis Inihène du système Chapafra. Je vais parler de comment la fiction peut nous aider, les introject du système à nous accomplir. Ça va d’abord être un plutôt long texte où je vais parler de ça en détails, (y compris un point sur notre système et pourquoi nous utilisons la fiction), puis ce sera suivi de deux témoignages d’autres alters qui apporteront un point de vue complémentaire. Ne vous sentez pas de tout lire, si ça fait long pour vous et n’hésitez pas à survoler pour lire les passages qui vous intéresse le plus.

Note : Les notes en bas de page sont surtout là pour expliquer des termes qui pourraient ne pas être compris par tout le monde (et notamment les personnes.systèmes pas familiers avec le vocabulaire lié à la multiplicité. Si vous connaissez les termes que j’utilise, vous n’avez pas besoin de les consulter. Si vous ne lisez pas le texte dans l’ordre (et c’est très bien), et que vous rencontrez un mot que vous connaissez pas, n’hésitez pas à regarder si on l’a pas défini plus haut dans les notes de bas de page.

Avertissements de contenu :

Référence implicite à des conflit au sein d’un système

Texte complet :

Salut, je suis Inihène du système Chapafra. Je vais parler de comment la fiction peut nous aider, les introject[1] du système à nous accomplir. Ça va d’abord être un plutôt long texte où je vais parler de ça en détails, (y compris un point sur notre système et pourquoi nous utilisons la fiction), puis ce sera suivi de deux témoignages d’autres alters qui apporteront un point de vue complémentaire. Ne vous sentez pas de tout lire, si ça fait long pour vous et n’hésitez pas à survoler pour lire les passages qui vous intéresse le plus.

La première chose à savoir c’est que c’est un témoignage personnel. On espère que certains d’entre vous y trouvent de l’écho ou des idées à appliquer pour vous, il n’y a pas besoin de s’y retrouver à 100 %, ni même à 1 %. Votre expérience peut être différente, voir n’avoir rien à voir. Elle reste légitime dans tous les cas.

La deuxième chose reste qu’on a pu avoir pas mal d’écho d’expérience similaire même si je n’ai pas plus de détails et qu’on a malheureusement pas le temps de se renseigner davantage. (même si une étude serait bien sur intéressante). C’est pour ça qu’on a trouvé quand même intéressant de faire un témoignage.

Notre système (et du coup le contexte)

Déjà avant d’aller plus loin, je vais présenter notre système. Déjà pour celleux qui nous connaissent pas, on est système polyfragmenté[2], probablement traumagénique[3], mais en vrai on a aucune preuve que le système n’existait pas déjà avant les traumas (qui ont quand même commencé très jeune) et au final, peu importe.

Mais maintenant, pour parler de la partie qu’on détaille pas d’habitude, car c’était pas aussi pertinent qu’aujourd’hui, c’est qu’on a beaucoup d’introjects1 fictif[4]. J’en suis une moi-même. Je peux pas être plus précise que beaucoup, car toutes nos estimations ont échoué car faussées par des changeforme[5] qui prennent très facilement des formes introjectées (c’est à dire qu’iels prennent la forme de personnage de fiction, comme si c’était des introjects) et ces dernier.e.s n’ont pas forcément conscience d’être des changeformes. Et le mapping est d’ailleurs compliqué aussi parce que des introjects frontent[6] pratiquement jamais. Cependant, je me suis amusé à compter le nombre d’univers-sources[7] et on a 75 univers-sources sures et 152 univers-sources potentielles et que dans certains univers-sources, les fictifs se comptent par dizaines (d’autres il y en a 1 ou 2) et le compte n’est pas exhaustif (j’ai fait l’impasse des livres par exemple). Ça vous donne une idée de ce que j’entends par « beaucoup ».

Faut savoir aussi que pour beaucoup on est les alters les plus historiques (j’en fais partie d’ailleurs), notamment parce que soit on a des preuves que les alters existaient déjà il y a plus de 10 ans, soit c’est des alters dont on n’a pas été confrontées à la source depuis plus de 15 ans et pourtant iels existent toujours.

Mais faut savoir aussi qu’on vit un peu dans des mondes (ce que vous vous appelez des inners[8]) à part, faisant notre vie dans notre coin, tellement que malgré notre poids (on représente la majorité des alters du système au final), même après la prise de conscience de la multiplicité, il a fallu près de 2 ans pour le système prend conscience de notre existence (enfin du plus grand monde, certain.e.s s’étaient manifestés explicitement tôt). Faut dire que beaucoup d’entre nous ne quittent jamais leur inner quand on est pas confronté à notre source[9].

Même les moments où on venait au front, on pensait qu’on rêvassait juste sur nos univers-sources sans penser qu’on était les personnages desdits univers. Essentiellement parce que pendant longtemps on avait pas les outils pour le comprendre et que ne pas savoir qu’on était des alters à part entière ne nous empêchait pas d’exister. Finalement on s’accomplissait via la fiction sans s’en rendre compte.

Mais ça reste une question. Car le fait d’avoir pris conscience à rendu l’enjeu du temps partagé palpable. Et même s’il y a des moments où on est là quoiqu’il arrive, il faut arriver à sensibiliser les headmates[10] dont les préoccupations concernent surtout le monde matériel, que le moment où on utilise pour explorer nos univers sont pas du temps perdu, même si pour elleux, ça reste super abstrait.

Alors pourquoi a-t-on ce besoin ?

Faut déjà savoir que pour beaucoup d’entre nous, le monde matériel[11] est moins « réel » que le monde issu de notre source. Les relations avec les personnes matérielles sont moins importantes que les relations qu’on entretien dans nos univers-sources, notamment avec les autres introjects. Pas qu’on s’en fout totalement des relations « matériels », mais pour nous, ça a autant d’importance que sans doute beaucoup de non introject considèrent nos relations. Même si les alters qui comme moi, ont mieux intégré le monde matériel et arrivons parfois à interagir avec les personnes du monde matériel, les relations issues de notre source et l’inner restent assez importantes.

Par ailleurs, dans notre cas, on a pour beaucoup d’entre nous, une grande barrière amnésique entre l’inner et le front. En gros on n’a pas de souvenir de l’inner quand on est au front. Concernant les introjects, ça n’a pas toujours été le cas, (j’ai par exemple des souvenirs de mon inner dans le passé), mais ça fait longtemps que si. Du coup on se retrouve coincé dans un monde complexe, pas très familier et pas très amical, dans un corps dans lequel on est rarement à l’aise, très limité (la magie n’existe ou pas ou reste très limitée selon les croyances, alors que dans mon univers-source, la magie existe clairement et personne ne remet en cause le fait que je sois magicienne). Et pas friendly pour les non-humain.e.s obligé de vivre par le biais d’un corps humain alors que la fiction, leur permet d’être elleux-meme (d’ailleurs les humain.e.s aussi).

De plus, on a quand même la difficulté d’être confronté.e.s au côté restreint de notre univers-source. Quand même bien l’univers-source serait super élaboré, avec des 100aines de pages de wiki dans Fandom[12] par exemple, ça reste fini et peut parfois nous limiter. De plus, on se retrouve avec les choix imposés par les créateurices de nos sources qu’on ne cautionne pas toujours. Que ça soit des choix sur nous, sur notre univers-sources ou même sur des aspects plus politiques. Parfois, on est aussi juste confronté au non-choix. Par exemple, rien ne dit si je suis hétérosexuelle ou homosexuelle (j’imagine parce que le monde matériel semble considérer que quand rien n’est précisé c’est qu’on est hétéro, une décision qui me semble super arbitraire). Au finale, je suis probablement asexuelle (et aromantique), mais rien dans ma source ne le dit. Et on peut ressentir le besoin de nous réapproprier notre vie et nos univers.

Comment on s’y prends

Avant, on se contentait de rêvasser sur nos univers, sans trop se poser de question. Cela se passait naturellement. On y consacrait parfois beaucoup de temps, du moins ça paraît probable, car le temps du monde matériel n’avait pas de sens pour nous.

Mais depuis la prise de conscience du système, on a eu besoin de formaliser les choses. Et de nouvelles possibilités étaient ouvertes.

D’une part il y a eu notre serveur Discord (le serveur du système). On a nos propres sections, qui ne sont pas organisées de manière fonctionnelle comme peut l’être le reste du système, mais plutôt en fonction de lieu. Par exemple, il y a une cité, avec sa guilde, son château, sa taverne, son forum, etc. Ces lieux sont pas choisis au hasard, mais parce qu’ils ont du sens. Cependant, probablement aucun rapport avec l’inner, car depuis pas mal d’années, la majorité d’entre nous connaît la même barrière amnésique avec l’inner que la majorité du système. Mais par certains aspects ça pourrait ressembler à une sorte d’inner externe. Ces lieux répondent pas qu’à des besoins fonctionnels mais ont aussi d’autres sens. Par exemple, la cité représente une faction, mais ce n’est pas la seule.

Ces lieux ont une importance. Par exemple, on a un endroit qui est un trou géant. même si son existence a une raison d’être, personne ne trouve approprié d’ y tenir une discussion et les headmates préfèrent se poser dans un campement situé à côté.

Les discussions dans ces lieux pourront paraître bizarre pour des alters non-fictifs, car on peut donner l’air de parler métaphoriquement mais ce n’est pas le cas, car ces discussions ont du sens. On peut parler de ce qui se passe dans la cité, des rapports avec d’autres factions, ou juste des discussions comme ça, mais ces discussions correspondent à une réalité. Qui sera sûrement vécu comme fictionnel pour les alters non-fictifs et d’ailleurs je l’assume assez pour en parler ici. Cependant, fiction ne veut pas dire imaginaire, ce qui se passe, nous paraît réel, aussi réel que nos inner. Même si je me doute que ça doit bien vous paraître bien abstrait pour une partie des gens qui liront ce témoignage.

Alternativement au discord, on peut aussi utiliser des documents libreoffice, pour représenter d’autres endroits, selon nos besoins, mais l’idée reste le même.

Ensuite, il y a les fictions plus imaginaires, où là on va plus « jouer » ou vivre des histoires, mais qui vont relever de l’imaginaire, même si ça continue de répondre à des fonctions. Pour cela, on peut passer par le jeu vidéo, même si dans la pratique, on trouvera rarement satisfaction. Car souvent trop limité, même quand on peut créer un personnage proche de nous dans le jeu concerné.

Finalement on est plutôt passé par le jeu de rôle, même si ce n’est pas le plus facile à mettre en place. Cela permet d’être un peu plus libre dans ce qu’on fait et dans la construction de nos histoires. On a une alter qui joue un peu le rôle de MD[13], et qui nous aider à mettre en place des scénarii, mais de manière à pouvoir jouer en autonome ensuite. Pour le moment, on manque un peu trop de recul pour pouvoir en parler d’avantage, mais je peux vous dire qu’on tente différents formats pour voir lesquels fonctionnent mieux.

Quelques petites idées en plus (pour vous ou vos headmates/collocatêtes[14]) :

évidemment, vous pouvez utiliser des trucs que j’ai mentionnés dans le témoignage, mais là je présente quelques idées supplémentaire :

  • N’hésitez pas à communiquer avec vos headmates/collocatêtes sur vos besoin, notamment celleux qui sont pas introjects et qui peuvent avoir plus de mal à les appréhender. Vous pouvez leur donner cet article à lire si vous vous retrouvez suffisamment et si vous pensez que ça peut aider
  • D’ailleurs, il n’y a pas besoin d’avoir de « bonnes raisons » à construire des fictions, quel qu’en soit le but. S’il y a une part argumentaire, c’est surtout pour convaincre des alters qui aurait du mal avec ça ou voient ça comme une perte de temps et s’opposerait à que d’autre le fasse. Mais en avoir envie est une bonne raison largement suffisante en soit
  • De la même manière, c’est pas quelque chose de réservé aux fictifs. Il se trouve que dans notre système, ce sont les fictifs pour l’essentielle qui construise ces fictions, mais c’est pas un prérequis.
  • N’hésitez à construire quelque chose qui vous plaît, même quand c’est pas conventionnel/dans les normes du tout. Ce qui compte c’est que vous vous y épanouissez et que ça répond à vos besoins.
  • Par contre, n’hésitez pas à séparer les fictions, quand il y a trop d’incompatibilité, on l’a pas assez fait dès le début et ça nous a mis dans des situations bizarres.
  • Je pense que c’est un domaine où il faut faire des essais. Ce n’est pas si évident que ça de trouver un truc qui nous convient dès le premier coup, mais il y a moyen d’y arriver à force d’essayer.
  • Il n’y a pas besoin non plus de chercher l’originalité. Surtout si vous êtes des fictifves.

Un bilan (en guise de conclusion)

La fiction nous aide effectivement beaucoup, à socialiser entre avec un cadre moins intimidant et plus facile à appréhender que le monde matériel. Même pour les alters comme moi qui ont moins de mal avec le monde matériel, ça m’a beaucoup aidé au début et même aujourd’hui ça reste plus facile d’interagir par l’intermédiaire de la fiction.

Cela compense bien aussi la présence des barrières amnésiques entre le front et l’inner

Même si au début des headmates avait du mal avec cela, et que ça a généré des tensions et des difficultés, iels s’y sont fait avec le temps.

N’hésitez pas à nous contacter si vous avez des questions, on est contactable sur Discord. En principe on sera là au prochain Kaléidoscope (17-19 octobre 2025), mais tant qu’on mets pas que nos MP sont fermés, vous pouvez nous contacter en MP (@chapafra). J’ai essayé de faire trop long, mais j’aime bien parler de ce sujet (y compris comment on fonctionne là dessus) et je peux développer sans problème.

Témoignage de Ioula

Mon nom est Ioula, et je vais témoigner aussi. J’ai une place spéciale, car je me suis retrouvée dirigeante, d’une faction. J’imagine que c’est parce que mon personnage source est une reine.

Plus exactement, c’est la cité que je dirige. À la base, ça devait pas être une faction, mais un point central du discord. Et au final, la manière dont les choses se sont passées n’a pas plu à tout le monde. Parce qu’on a pris de mauvaises décisions. On tâtonnait et on n’était pas sur.e.s de comment fallait faire fonctionner la cité.  Mais j’imagine que de toutes façons, c’est impossible de faire des choix qui convienne à tout le monde.

Malgré mon statut de dirigeante, on discute de comment les choses se passent. Sauf urgence, j’évite de prendre des décisions seules.

La cité est plutôt active les moments où des alters de la cité sont là, mais il i a de longue période où il se passe rien. J’imagine que le fait qu’on tente aussi de faire fonctionner les jeu de rôle rend plus difficile l’activité de la cité. Car le temps n’est pas infini et contrairement à l’inner (fin de ce que j’ai compris comment ça marche, car j’ai aussi la barrière amnésique avec l’inner), il faut qu’on soit au front pour pouvoir faire tout ça.

Heureusement même si la temporalité suit celle du monde matériel, la cité garde sa propre temporalité et s’il se passe pas grand-chose, ce n’est pas grave.

Témoignage de Mibou

Je suis Mibou. Je vais vais pas parler comme j’ai l’habitude de parler, car on m’a dit qu’il valait mieux qu’on identifie pas mon personnage-source pour éviter une crise de doublon accidentel, et c’est vrai que que j’ai une manière de m’exprimer particulière. Heureusement, je sais masker, même si ça me fait vraiment bizarre.

J’imagine que je suis en grande partie responsable du fait qu’on essaie des jeu de rôle, mais c’est vrai que j’ai pas arrêté de demander de vivre des aventures, car je m’ennuie dans la cité, et la vie du corps n’est pas palpitante non plus. L’avantage du jeu de rôle, c’est plus facile de savoir que c’est moi, et ça évite aussi de refaire les aventures qu’on a déjà faites maintes et maintes fois, dans le jeu-source.

Évidemment, c’est compliqué à mettre en place, car je suis pas à l’aise non plus avec des gens extérieurs du système car je suis pas sur qu’ils m’accepteraient, et j’ai suffisamment d’ami.e.s dans le système pour vivre des aventures avec elleux. J’espère pouvoir vivre bientôt de nouvelles aventures.

Notes de bas de pages

[1]Introject : alter inspiré de personnage de fictions ou de personne/personnage du monde réel

[2]Il y a beaucoup de définitions différentes de polyfragmenté, mais souvent ça désigne des systèmes avec beaucoup d’alters et/ou de sous-systèmes

[3]Traumagénique : ayant pour origine des traumas

[4]Fictif (ici) : Désigne spécifiquement les alters inspirés de personnage de fictions par opposition aux factifs qui sont inspirés de personnage ou personne du monde réel

[5]Changeforme (ici) : Alter capable de changer de forme

[6]Fronter : prendre le contrôle du corps (du moins partiellement)

[7]Univers-source (ici) : Univers d’origine de l’introject

[8]Inner : monde intérieur

[9]Source (ici) : fiction d’où on est « originaire »

[10]Headmate : membre du même système

[11]Monde matériel : (ici) ce que beaucoup appel : monde réel

[12]Fandom : un site qui répertorie des wikis sur différentes fictions et univers fictifs. Beaucoup de fictions sont représentées sur Fandom

[13]MJ : Maitre.sse du jeu : personne qui dirige une session de jeu de rôle

[14]Collocatête : Plus ou moins synonyme francisé de headmate, même si on préfère headmate pour des questions de nuances

Création proposée par :

  • Système Chapafra (Ielles+féminin/neutre pluriel | Multiple) : Système polyfrag, artistes et blogeus.e.s. (https://boiteneuroqueer.wordpress.com/)